Consultation Éducation : Quels grands défis éducatifs au 21ème siècle ?

Il y a 10 ans, le Plan des colibris  développait 5 axes prioritaires pour engager une transformation du système éducatif.
– Axe 1 : Libérer l’école
– Axe 2 : Libérer les élèves
– Axe 3 : Enseigner la nature et l’intelligence des mains
– Axe 4 : Parfaire la formation des enseignant-es et revaloriser leur métier
– Axe 5 : Favoriser une société qui prend soin de ses enfants

L’objectif central était d’accompagner chaque être humain dans la découverte de lui-même (de ses aptitudes, de ses talents), des autres (vie sociale, règles...) et lui transmettre les savoirs et connaissances dont il aura besoin pour s’épanouir dans la société et relever les défis du siècle.

Aujourd’hui, nous avons les mêmes aspirations, mais nous faisons le constat malheureux que la situation s’est encore dégradée.

La précarisation du métier d’enseignant


Égal à 1,1 SMIC, le salaire médian d’un enseignant est nettement inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE, pour un bac + 5… –, Les démissions sont à la hausse : près de quatre fois plus qu’en 2009 chez les professeurs et sept fois chez les profs stagiaires !

Pour faire face et palier au manque d’enseignant-es, l’Éducation nationale recrute de plus en plus de professeurs contractuels. En cinq ans, leur nombre à progressé de 30 %. Pour l’essayiste Laurence De Cock, ces contrats précaires sont à la fois un moyen de faire des économies, mais aussi une main d’œuvre obéissante, et surtout jetable.

Même précarisation pour les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH ), dont les effectifs ne cessent de croître – ce qui est en soi une bonne chose. Souvent recrutés à mi-temps et en CDD les six premières années, ils demeurent contractuels et au SMIC.

Une formation à améliorer


➤ Les lacunes de la formation initiale sont également au cœur des critiques. En 2018, les professeurs français n’étaient plus que 25 % à affirmer être bien préparés pour « le suivi de l'apprentissage et de la progression des élèves » – contre 56 % de leurs homologues anglais, 60 % des Suédois et 52 % des Espagnols.

➤ Quant à pouvoir apprendre la coopération aux élèves et la gestion des émotions, essentielle pour construire une vie d’adulte responsable et en lien avec les autres, le déficit du bagage pédagogique est flagrant. Ces notions favorisent la santé et le bien-être d’une population et les capacités d’apprentissage des enfants.

Une instruction en famille malmenée


➤ Le 2 octobre 2020, le président prononçait un discours contre le séparatisme. Dans le viseur, entre autres, l’« Instruction en famille » (ou à la maison), qui concernent 50 000 enfants en France. Cette pratique, qui fait débat dans tous les milieux, est devenue « strictement limitée ».

Donner plus de liberté à l’école et enseigner la nature


➤ Les études s’accumulent depuis plusieurs décennies sur l’impact positif de l’environnement naturel sur notre santé en général, et pour le développement émotionnel et social des enfants et leurs compétences cognitives en particulier (concentration, capacité de coopération, créativité, et réussite scolaire).

➤ La reconnexion à la nature développe la sensibilité vis-à-vis de l’environnement et l’envie de le protéger. A contrario, l’éloignement progressif de la nature, la bétonisation des établissements – qui se sont accélérées et notamment durant les périodes de confinement – induit chez eux un syndrome du « manque de nature », dont une augmentation des troubles psychiatriques (en hausse de 50 % en 2020 en pédiatrie à Paris) et des tentatives de suicide.

➤ À cela s’ajoute la sédentarité excessive des jeunes : selon une enquête mondiale conduite auprès d’1,6 million d’adolescents, plus de 80 % d’entre eux pratique moins d’une heure d’exercices par jour. Or, l’inactivité met en danger leur santé, avec un risque accru de surpoids et de maladies chroniques (diabète, douleurs de dos…), mais aussi de repli, tandis que l’usage croissant des écrans (4h en moyenne par jour pour les adolescents) affecte leur vision et leur psychisme.

➤ Pour répondre à ces différentes problématiques, le collectif Tous Dehors France (initié par l’Agora des colibris en 2019), rassemblant différents acteurs de l’éducation nationale, éducation populaire et fondations, œuvre à influer les politiques pour que l’expérience de nature deviennent indissociable de l’éducation du XXIème siècle.

Une inégalité croissante pour les jeunes vivant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV)


Les chiffres sont parlants, les quartiers prioritaire de la politique de la ville font face à de forts enjeux économiques et sociaux avec un taux de pauvreté de 40 % en moyenne et un chômage deux fois et demi supérieur au reste du territoire.

➤ Le constat posé dans le rapport de l’institut Montaigne de 2022 est alarmant. Sur les 1 296 quartiers politique de la ville en France métropolitaine, 40% ne disposent pas d’une crèche, ils disposent de 3 fois moins d’équipement sportifs qu’ailleurs en France, et c’est dans les quartiers où les établissements cumulent le plus de difficultés scolaires que les enseignants sont les plus jeunes et les moins expérimentés. Face à ce constat, des mesures ont été mises en place (1). Cependant, le cadre scolaire ne peut à lui seul compenser un environnement familial, social et économique défavorisé. Depuis trente ans, les inégalités de destin ont progressé dans notre pays : selon l’endroit de naissance, sa famille, l’école fréquentée, les chances de réussite ne sont pas les mêmes.

Pour tenter de palier à ce constat, et impliquer tous les acteurs d’un territoire dans l’éducation des jeunes, le dispositif des Cités éducatives a été lancé en septembre 2019. Elles consistent en une grande alliance des acteurs éducatifs dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : parents, services de l’État, des collectivités, associations, habitants.  En septembre 2019, 80 territoires éligibles ont été sélectionnés pour initier cette démarche. En 2022, ce nombre est porté à 200.

Ce dispositif est très récent, moins de 3 ans, ses ambitions sont très grandes, et se retrouvent confrontées à la réalité économique ou de ressources humaines présentes sur ces territoires. Aucune conclusion sur leurs éventuels effets bénéfiques ne peut donc être tirée à ce stade.

Prendre soin de la santé de nos enfants commence dès la cantine

  • « 13 % des enfants scolarisés en REP [Réseau d’éducation prioritaire] et REP + arrivent à l’école le ventre vide », selon une étude de l’Association de la fondation étudiante de la ville réalisée en 2014.
➤ L’apprentissage des enfants et des adolescents, la mémorisation des informations ne se font pas dans n’importe quelles conditions. Ils nécessitent un bon sommeil, un environnement dépourvu de stress et une certaine motivation. Or, il est aujourd’hui admis qu’une alimentation médiocre – peu diversifiée, polluée par divers additifs ou résidus pesticides, avec trop de graisses et de sucres – réduit les capacités d’apprentissage, dérègle certaines fonctions cérébrales, notamment de la mémoire.

➤ La loi EGalim de 2018 constitue une avancée au niveau de la restauration scolaire, qui représentent plus de 3 milliards de repas. Elle prévoit de lutter contre le gaspillage alimentaire et d’intégrer « au moins 50 % de produits biologiques, locaux ou sous signe de qualité à compter du 1er janvier 2022 » (au moins 20 % de produits bio). Certaines villes, comme Mouans-Sartoux (06), Bélvès (24), Grande Synthe (59) ou Langouët (35), ont même réussi à passer en 100% bio les repas de leur cantine scolaire, sans augmenter leurs coûts !

Les défis à relever sont clairs :

  • Redonner de la noblesse au statut d’enseignant·e pour limiter sa désertification ;
  • Développer la formation continue et les propositions de formations des enseignant·es, en adéquation avec les compétences attendus ;
  • Libérer tous les élèves en leurs faisant vivre des expériences de nature, régulières et variées, dès le plus jeune âge et jusqu’à l’âge adulte ;
  • Apprendre le vivre ensemble, les émotions et la coopération dès le plus jeune âge ;
  • Développer l’approche transversale de l’éducation et impliquer tous les acteurs d’un territoire dans ce grand défi de l’autonomisation des jeunes vers une vie épanouissante
  • Réduire les inégalités pour garantir à chaque enfant le droit à une éducation de qualité
  • Arriver à du 100% bio dans les cantines pour prendre soin de la santé de nos enfants

Une consultation pour construire les défis de l’avenir

Depuis dix ans, le Mouvement Colibris s’est mobilisé, aux côtés d’autres réseaux, pour tenter de relever ces défis en proposant d’expérimenter des initiatives, notamment grâce à des centaines d’actions de terrain avec les groupes locaux ; par des Mooc et des parcours en ligne afin de former des dizaines de milliers de citoyennes et citoyens aux principes de la coopération, la communication non violente, les manières de réinventer l’école, ou comment améliorer l’éducation autour de soi ; mais aussi en soutenant la création d’ateliers de parentalité positive, des stages : « Vivre la nature à l’école », l’organisation de conférence sur la pédagogie de la coopération, ou encore en accompagnant des parents à intégrer du bio dans les cantines de leurs enfants ; mais aussi en échangeant durant un an sur l’importance de se reconnecter à la nature avec l’Agora des colibris en 2018-2019 ;…
Notre consultation citoyenne est la première étape d’une campagne visant à élaborer ensemble d’ambitieux « défis de territoire » au niveau de l’éducation et de les expérimenter collectivement avec tous les acteurs locaux.

Questions de cette consultation en ligne :


Le Mouvement Colibris lance une large consultation auprès de nombreux/ses citoyens et citoyennes, dans différents territoires, autour de quelle éducation nous souhaitons pour nos enfants, incluant la question de quelle vision chacune et chacun a de l’éducation comme service public mais aussi comme responsabilité collective ?
Les réponses à ce questionnaire viendront nourrir notre réflexion pour proposer une nouvelle politique dans ce domaine, des initiatives collectives et des transformations dans les territoires. Elles alimenteront en particulier, dès 2023, des « défis de territoire » dans le domaine de l’éducation, dans le cadre de notre campagne Nouvelle (R). Ces défis sont des mesures de transformation locales capables de changer la trajectoire de développement locale et la vie des habitant.es dans plusieurs domaines.
Merci par avance pour vos réponses. Ce questionnaire, en ligne, est individuel et anonyme, et sera traité anonymement (aucun nom ni coordonnées ne seront utilisés) – sauf consentement à communiquer vos coordonnées. Vous pouvez répondre à toutes nos questions ou seulement à certaines.


Note

1- le dédoublement des classes qui bénéficie à près de 300 000 élèves de CP et de CE1 depuis la rentrée 2018-2019, l’augmentation sur 5 ans de la prime aux 60 000 personnels de l’éducation nationale exerçant en REP+ ou dans les zones d’éducation prioritaire renforcée, la mise en place de petits déjeuners gratuits à l’école pour 150 000 élèves, les « devoirs faits », le « plan mercredi », « les colos apprenantes » et l’opération « Quartiers d’été », le déploiement d’une offre de plus de 30 000 stages de qualité pour les élèves de 3e des quartiers, ou encore le renforcement du dispositif des médiateurs à l’école pour prévenir et gérer les conflits.