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Projet de loi Agriculture & Alimentation : la montagne, la souris... et les colibris



La montagne a-t-elle une fois encore accouché d’une souris ? C’est le sentiment de nombreux acteurs associatifs et professionnels du monde alimentaire à la lecture du projet de loi agricole qui sera mis en débat en avril à l’Assemblée nationale. Le point d’arrivée des États Généraux de l’Alimentation (EGA) entamés en juillet.



Bon, pour en faire un escargot tout chaud, il y a encore pas mal de boulot sur cette souris ! Suis pas bien sûr que les bains d’huile, même bio, suffisent à la rendre appétissante… Car de quoi s’agit-il ? De mieux manger tout en permettant aux producteurs de vivre décemment de leur métier, alors qu’un tiers d’entre eux s’en tire seulement avec 350 € par mois. Mais aussi de redonner un avenir à notre environnement rural en partie sinistré par les pollutions. Or, si les paysans ont de quoi gratter le fromage mis de côté par l’agro-industrie, la vérité est que malgré les marges parfois indécentes imposées par celle-ci, leurs taux baissent ou stagnent depuis sept ans… Si ! si ! La raison ? Une forte concurrence des ventes par Internet et de nombreux acteurs sur le marché mondial qui importent des produits à prix cassés, grâce à une main d’œuvre sous-payée dans plusieurs pays, y compris européens. Et pour couronner le tout un pouvoir d’achat des ménages qui stagne, lui aussi, depuis quatre ans. Bref ! si la situation des agriculteurs est particulièrement alarmante dans notre pays, le marché agroalimentaire est tendu. Les verrous de la crise actuelle sont nombreux et semblent être forgés en titane ! 

Comment gagner cette course d’obstacles au « juste prix » ?

Le 25 janvier, le président Macron assurait, à l’unisson de nombreux acteurs, que « chaque agriculteur doit être rémunéré au juste prix payé. Ils ne demandent pas des aides mais de ne pas être le seul secteur où la vente à perte est devenue la règle ». Exact. Dès lors, il convient de « rééquilibrer les relations entre l’amont et l’aval des filières » : en clair, entre les producteurs et tous les intermédiaires du marché. Car, pour un prix d’achat de quelques centimes d’euros par kilo de fruits, de légumes, de lait ou de viande, à la revente le prix de ces mêmes denrées est multiplié par dix, trente, cinquante et davantage… Alors, faisable, ce « rééquilibrage » que l’on répète depuis des années comme un mantra ? 

En vérité, pour résoudre cette crise – systémique, comme disent les économistes –, il faut relever au moins quatre barrières. La première est d’imposer aux différents acteurs de la chaîne agroalimentaire une transparence sur la formation des prix, que ni les producteurs, ni les consommateurs, ni même les gouvernements successifs ou l’Observatoire de la formation des prix et des marges, n’ont jamais vraiment obtenue. C’est pourtant la condition pour que les producteurs puissent faire valoir leurs droits et les consommateurs exercer leurs choix.

Deuxième barrière, apporter un rééquilibrage des pouvoirs entre acteurs dans les négociations, en France comme en Europe. En faveur notamment de ceux qui, parmi les professionnels ou la société civile, plaident pour une agriculture équitable et écologique, mais aussi pour des régulations des marchés agricoles et une harmonisation des régimes sociaux et fiscaux en Europe. Indispensable si l’on ne veut pas que, demain, les efforts consentis par les professionnels français sur l’offre agro-alimentaire soient contrecarrés et concurrencés d’une façon déloyale par des produits européens à bas coûts et de moindre qualité.

« Nous n’obtiendrons jamais ce fameux « juste prix » des denrées alimentaires sans un sérieux effort d’éducation et d’expérimentation à bien se nourrir, faire ses courses et cuisiner, moins gaspiller... »

Troisième barrière à lever, nous n’obtiendrons jamais ce fameux « rééquilibrage » ni ces « justes prix » des denrées alimentaires sans un sérieux effort d’éducation et d’expérimentation à bien se nourrir, faire ses courses et cuisiner, moins gaspiller, etc. Et ce à différentes étapes de la vie des citoyens. Vaste chantier, ignorée par la nouvelle loi, et pourtant nécessaire pour accompagner cette « révolution alimentaire » inéluctable.

Enfin, sans une réorientation des aides agricoles vers des itinéraires agroécologiques et de qualité, qui intègrent un soutien aux ménages les plus modestes pour se nourrir mieux, nos paysans ne s’en sortiront pas et les consommateurs n’accepteront pas de payer les aliments à leur « juste prix ». Au final, l’ensemble des citoyens n’accédera pas à une alimentation de qualité. 

Pas d’alimentation de qualité sans changement de société

Soyons clairs : pour lever ces quatre barrières, il faut qu’au sommet de l’État – mais aussi dans les territoires – existent une volonté et un projet politique clair sur le modèle alimentaire que l’on souhaite pour notre pays et notre continent. Cela s’appelle, en réalité, un projet de transformation de société. Sans lui, les mesures proposées dans cette nouvelle loi agricole (lire notre encadré) demeureront, comme les précédentes, des plats sans grande saveur, sans harmonie, malgré les promesses qu’elles portent.

Je ne crois guère au courage et à la clairvoyance en la matière de nos dirigeants actuels. En revanche, parce qu’ils ont un pouvoir qu’eux-mêmes ignorent la plupart du temps, les consommateurs ont un devoir. Celui de repenser leur alimentation et de faire des choix, d’expérimenter de nouvelles voies alimentaires. Celui aussi de ne pas laisser dans un tête à tête toxique les paysans fragilisés de ce pays avec les lobbies de l’agrobusiness, qui prospèrent jusque dans leur rang. Chacun peut influencer les marchés, en choisissant d’investir dans tel produit plutôt que dans tel autre, dans certains circuits de distribution, en sélectionnant ses producteurs, en s’investissant dans des initiatives locales pour produire une meilleure alimentation, en consacrant un budget plus conséquent pour bien se nourrir. 

« Parce qu’ils ont un pouvoir qu’eux-mêmes ignorent la plupart du temps, les consommateurs ont un devoir. Celui de repenser leur alimentation et de faire des choix, d’expérimenter de nouvelles voies alimentaires. »

S’engager et devenir un consom’acteur commence par échanger avec ceux qui nous nourrissent : producteurs, vendeurs, restaurateurs, etc. Avec d’autres consommateurs aussi, avec les nombreux réseaux d’action sur l’alimentation et l’éclosion de jardins nourriciers qui irriguent magnifiquement nos territoires, avec de nombreux élus qui se mobilisent au quotidien pour améliorer la restauration collective et aider à l’installation de paysans, avec les chercheurs qui réfléchissent et accompagnent des politiques publiques plus responsables. Bref ! les citoyens que nous sommes pouvons faire bouger les lignes sans attendre que les solutions nous tombent tout cuit dans le bec ! 

Modestement, c’est ce que Colibris a engagé en proposant une Agora citoyenne, sorte de laboratoire d’idées et d’initiatives dont le premier atelier souhaite précisément « rendre accessible au plus grand nombre une alimentation de qualité ». Faire grandir la conscience et les exigences des consommateurs, les relier davantage aux autres acteurs du domaine alimentaire, mieux soutenir les initiatives durables existantes et construire des territoires où il fait meilleur vivre et manger : voici les ambitions de cette Agora, qui réunit déjà plusieurs centaines de petits colibris. En remettant les citoyens consommateurs au cœur d’un dialogue exigeant entre acteurs du système alimentaire, libéré du poids des lobbies et placé sous l’intérêt des biens communs, on peut libérer l’imagination et l’intelligence collective. Et dès lors déplacer des montagnes et... cesser d’accoucher d’une flopée de souris !


Quatre mesures phares d’une loi agricole sans cohérence ni vision…

- L’article 1er instaure une inversion du calcul des prix. Cela signifie que la proposition de contrat écrit devra désormais émaner du producteur et non plus du grossiste ou du distributeur. Et cela concerne à la fois le prix de vente proposée pour une production, ses volumes, la durée du contrat et ses modalités d’application. Voilà un premier pas vers un rééquilibrage du rapport de force entre producteurs et grossistes ou distributeurs.

- L'article 9 habilite le Gouvernement à relever de 10 %, pour une durée de deux ans, le seuil de revente à perte des denrées alimentaires. Ainsi, là où un distributeur pouvait écraser sa marge, voire vendre à perte, sur certains produits, il sera désormais obligé de répercuter l’ensemble de ses coûts (logistique, personnel, mise en rayon...) à hauteur de 10 % sur tous les produits. De quoi lisser l’effort sur l’ensemble des gammes proposées, afin que les agriculteurs ne soient pas seuls à supporter l’impact des choix marketing des grandes enseignes. D’autre part, ce même article prévoit « un encadrement en valeur et en volume des promotions pratiquées sur les denrées alimentaires. » En clair, terminé les pots de Nutella à - 70 % !

- L’article 11, enfin, prévoit que les repas servis dans le cadre de la restauration collective comporte « à l’échéance du 1er janvier 2022 une part significative de produits issus de l'agriculture biologique, ou bénéficiant d’autres signes de qualité ou mentions valorisantes ou présentant des caractéristiques équivalentes, ou acquis en prenant en compte le coût du cycle de vie du produit. L’objectif [est] d’atteindre un taux de 50 % de produits acquis remplissant l'une de ces conditions à l'horizon 2022, dont au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique. » Frileuse sur ses objectifs de Bio dans les cantines, la loi demeure également ambiguë sur ces produits « présentant des caractéristiques équivalentes ». En outre, lorsqu’on sait que seuls 4 % environ des élevages bovins sont en Bio et 1% pour les poulets, on ne pourra atteindre l’objectif de passer en Bio 50 % des repas servis dans les cantines si l’on ne remplace pas une bonne partie des produits animaux par des protéines végétales. Mais de repas végétariens, la loi n’en dit pas un mot…

- L’article 15 habilite le gouvernement à modifier par ordonnance « le cadre législatif applicable aux produits phytopharmaceutiques afin de séparer l’activité de conseil et l’activité de vente de ces produits. » Serpent de mer de la lutte contre les pesticides agricoles, on attend avec impatience de connaître le détail de ces ordonnances qui doit « rendre incompatible l’exercice de ces deux activités » par les coopératives.

Commentaires

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Oui, bravo pour ce que vous faites car vous représentez la résistance aux travers de notre monde moderne !
On a besoin de vous. ...
Moi j'agis à un tout petit niveau mais je me sens un colibris, et fière de l'être !
Je nettoie les abords de la rivière à un endroit précis de la Basse à Perpignan et je me sens participer à la résistance que vous incarnez avec force ! Bravo ! ! ! Et merci ! ! !

la plupart de mes amis(es) pourtant engagés(es) politiquement dans de nombreuses associations locales nationales internationales de gauche, vont hélas s'approvisionner chez Leclerc, "c'est moins chère et nous y avons nos habitudes.... " c'est triste, d'un coté ils luttent contre les multinationales et le libéralismes et leurs dégâts dans pratiquement tous les domaines, puis dans leurs actes quotidiens font exactement le contraire que comprendre!!!

Merci pour votre article qui soulève bien des problèmes liés à l'agriculture. Je suis tout à fait d'accord avec vos remarques.
Par ailleurs, je me demande si le concept de label a été soulevé lors des Etats généraux de l'alimentation... il me parait tellement invraisemblable que ces labels, qu'ils soient rouge, Bio ou autre, soient payant et chers, tandis que l'agriculture dite "conventionnelle" a un droit à polluer avec les pesticides et engrais chimiques , sans contrôle, sans limites !!!!! Le monde à l'envers.

Votre article préconise "que le citoyen soit conscient de ses devoirs" (et les mettre en œuvre)" pour qu'on puisse changer de ... mais peu de choses ont changées, si ce n'est que le mouvement s'est développé. Je me répète : "la philosophie que je propose" prévoit de passer par le rôle politique du citoyen pour faire adopter "une déclaration des devoirs de l'homme", cela afin de corriger quelques lacunes de notre "Déclaration (universelle) des droits de l'homme".
Si ma "philosophie de l'Amour", ainsi que la déclaration des devoirs de l'homme qui en résulte, peuvent vous aider, alors n'hésitez pas à me contacter ...

tant que les humains ne deviendront pas dignes de porter ce nom magnifique HUMAIN, soit respecter le VIVANT dans sa globalité, animaux inclus, n'attendons pas le changement.
Il ne doit pas être facile "d'élever des animaux" en les destinant à la mort terrible dans les abattoirs. Le mot abattoir découle du mot massacre.
Que peut-on attendre ? Une vie belle, enrichissante ?
`

Une loi vient d'être votée pour 11 vaccins obligatoires pour des tout petits pour "protéger" la santé de tous évidemment ..... Et bien faisons une loi pour l'obligation d'une agriculture biologique . pourquoi le bio reste une option ?

Sur la formation du prix, pourquoi ne pas instituer un label pour les distributeurs qui afficheraient pour un produit agricole non transformé son prix avec détail de la part de chaque intermédiaire du producteur jusqu'au revendeur final ?
Le consommateur pourrait ainsi avoir la liberté de choisir de manière éclairée et privilégier l'achat d'un produit où la rémunération de l'agriculteur est privilégiée dans le prix formé.
Ex: on n'a pas toujours la possibilité d'acheter direct du Bio / Equitable du producteur au consommateur. L'expansion des chaînes de grande distribution dédiées à ce segment risque de reproduire la distorsion déjà dénoncée dans la filière agro-alimentaire classique. Avec une étiquette transparente détaillée, le consommateur pourrait le constater.