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La renaissance des brocards


Cet article est paru initialement sur le site de La Salamandre, dans le cadre d'un nouveau partenariat avec cet éditeur naturaliste

(crédit : Yann Jégard, CC BY SA)

Effeuillages de noisetiers, grattages dans le sous-bois et autres rituels printaniers ; les chevreuils mâles se préparent à la saison des amours.



Ça bourdonne de partout, jusqu’au cœur des fourrés d’aubépines. Et dans le bas-ventre du brocard, ça papillonne chaque jour un peu plus. Tolérant envers ses congénères pendant l’hiver et le début du printemps, le chevreuil mâle devient agressif dès le mois d’avril, surtout envers les jeunes rivaux. Il commence alors à défendre passionnément un bout de bosquet, une clairière ou un coin de lisière. Et si quelques aboiements ne suffisent pas à décourager les visiteurs inopportuns, il les poursuit avec acharnement jusqu’à la limite de son domaine.

Qu’il est fier, qu’il est beau ! Déjà oubliée, la chute de ses attributs virils il y a à peine six mois ? Chaque année en octobre-novembre, c’est la même histoire. Sous l’action érosive de cellules spécialisées, la base de ses bois se fragilise depuis l’extérieur vers le centre. Comme des branches mortes, ces excroissances osseuses se cassent alors au premier choc. Ainsi décoiffée, la tête du brocard ressemble à celle d’une chevrette. Heureusement la zone de fracture cicatrise rapidement. Après une semaine, une nouvelle parure commence déjà à se former.

Retour au printemps. La testostérone coule à flots, sécrétée par des testicules dont le poids a décuplé depuis le début de l’hiver. Au point que le brocard ne sait littéralement plus où donner de la tête. Le voilà qui se défoule avec rage contre les jeunes arbrisseaux. En les réduisant en miettes, il marque les frontières de son territoire. Et il imprègne également les troncs, les branches et la terre de son odeur grâce à des glandes situées sur le front, le cou, les pattes postérieures et même entre les doigts. Parfois, il gratte le sous-bois et urine sur la terre dénudée. Malgré ces marquages, il arrive qu’un Casanova en quête d’une femelle s’aventure dans le périmètre ainsi délimité. Alors, c’est la bagarre.


Mal coiffés

© Marco Preziosi

Le dague-ado - Dans sa 1re année, le mâle porte des bois non encore ramifiés : les dagues. On le surnomme broche.

© Marco Preziosi

Le tire-bouchon - Généralement, le brocard adulte porte deux bois longs de 18 à 24 cm et ramifiés en trois pointes. Parmi les malformations possibles, la perche principale s’enroule en spirale. Pratique pour ouvrir des bouteilles mais probablement peu séduisant pour une chevrette.

© Marco Preziosi

L’évêque - Lorsqu’une lésion testiculaire se produit pendant que les bois sont en velours, la croissance osseuse incontrôlée constitue de gros bourrelets en forme de mitre d’évêque ou de perruque. Le brocard peut en perdre la vue ou même mourir par suite de l’effondrement du crâne. Heureusement, cette anomalie spectaculaire est rare.

© Marco Preziosi

L’up&down - Un bois en haut, un bois en bas. Cette parure étonnante résulte probablement d’une cassure à la base de la branche principale qui repousse dans la mauvaise direction.

© Marco Preziosi

L’assassin - Parfois, la perche maîtresse se développe sans se ramifier. Un avantage pas très fair-play lors des combats, car les estafilades du brocard assassin peuvent pénétrer sans être arrêtées dans la chair de son adversaire.

© Marco Preziosi

La travestie - Chez tous les cervidés sauf le renne, le trophée est l’apanage des mâles. Mais il arrive que des chevrettes en possèdent aussi, bien qu’ils restent souvent de petite taille.


BOIS DE VELOURS

Pendant les trois mois que dure leur croissance, les bois sont enveloppés par une sorte d’étui poilu. Ce velours irrigue superficiellement le tissu osseux en formation et donne au trophée une allure de peluche. À maturité, les brocards se frottent contre troncs et arbustes pour se libérer de ces peaux désormais desséchées. En moins d’une heure, les velours se détachent en lambeaux aussitôt avalés. La taille, la forme et le nombre de ramifications des bois dépendent des gènes et de la santé de chaque individu. Ne cherchez pas à y lire l’âge de l’animal.

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