Retour sur l’Agora : mieux se connaître pour construire ensemble
Pour son édition 2021-2022 - Construire ensemble la transition écologique et solidaire sur les territoires - l’Agora des Colibris propose un cycle de trois rencontres nationales :
- Déconstruire nos systèmes de domination et transformer nos peurs en énergie d'action positive !
- Libérer les imaginaires pour créer de véritables passages à l'acte collectifs ?
- Travailler à l'inclusion, ou comment expérimenter de nouvelles formes de gouvernance plus démocratiques pour repenser l'action politique locale.
Chacune d’elles aborde en profondeur un facteur clé indispensable pour réussir une transition radicale et systémique !
Les 9 et 10 juillet dernier a eu lieu, à Angers, la première rencontre Agora "Déconstruire nos systèmes de domination et transformer nos peurs en énergie d'action positive !”. Les intervenants et les intervenantes ont su aborder en profondeur des sujets sensibles et alterner des moments de tables rondes, cercles participatifs et ateliers immersifs.
Les bénévoles au cœur de l’Agora
Pour cette première rencontre, Colibris a expérimenté un nouveau format : regrouper sur un même weekend Agora et Rencontre réseau. Les bénévoles des groupes locaux Colibris ont donc pu être présents à ces deux journées.
En effet :
➤ L’accueil des émotions, la question de la déconstruction des systèmes de domination et de l’inclusion sont des sujets centraux dans la vie de nos groupes locaux.
➤ Cela leur a permis de faire le lien entre les sujets abordés les deux premiers jours, et leur rôle et posture de bénévoles Colibris sur les territoires. Quels changements de postures adopter pour à la fois mieux comprendre et accueillir la diversité humaine, et faciliter la coopération entre acteurs sur les territoires, afin d’initier de véritables changements systémiques ?
➤ Permettre aux bénévoles Colibris de vivre une rencontre Agora afin de s’approprier la méthodologie et le format qui mélangent des espaces de débats, de réflexions, d’ateliers expérientiels, de partages de pratiques et de retours d’expériences. L’objectif pour Colibris est en effet de démultiplier ce type d’espace, et co-organiser avec les groupes locaux des rencontres locales, comme celle des 3 et 4 juin dernier à Cholet.
Au programme de cette première rencontre nationale, il était question de :
➤ Exprimer nos ressentis face à l’état du monde, et renouer avec l’énergie d’agir pour participer à un changement de cap.
➤ Déconstruire nos schémas de domination et de jugement pour se reconstruire. Prendre sa responsabilité, sans honte, sans culpabilité pour se donner les moyens concrets d’agir en conscience, avec détermination et sérénité au service du changement sociétal.
Renouer avec l’énergie d’agir pour participer à un changement de cap
Charline Schmerber, praticienne en psychothérapie et analyste psycho-organique, et Marianne Claveau, facilitatrice et accompagnatrice dans la transition relationnelle, nous proposent d’accueillir et d’identifier les émotions générées face aux mutations du monde pour proposer une stratégie adaptée pour répondre aux besoins non nourris.
En effet, depuis plusieurs dizaines d’années, des milliers de scientifiques nous alertent sur l’urgence à répondre aux crises écologique, sociale et sanitaire qui se déploient.
Comment regarder la réalité en face, sans être paralysé par la gravité de la situation ?
Ces changements environnementaux passés, actuels et attendus concernant le réchauffement climatique et la disparition de la biodiversité génèrent deux formes de souffrance et de détresse psychique ou existentielle, nommées éco-anxiété (prospectif) et solastalgie (rétrospectif).
Après avoir défini ces deux notions, Charline Schmerber a partagé les résultats d’une étude qu’elle a menée fin 2019. Elle y dévoile les différentes émotions générées par ces crises et les profils types des personnes les plus touchées : on apprend que ce sont en majorité des femmes, des jeunes adultes en questionnement sur leur avenir, et des personnes évoluant dans des milieux professionnels spécifiques (écologie, développement durable et les agriculteurs dont les liens sont proches de la terre).
Pour finir sur une note positive, Charline a partagé quelques pistes pour vivre avec l’éco-anxiété et la transformer en énergie d’action positive : restaurer le lien avec soi-même, restaurer le lien avec les autres humains, et enfin, restaurer le lien avec le reste du vivant.
Danser avec l’incertitude
Cinq émotions ressortent de cette étude : la colère (24,12%) la tristesse (18,30%) l’impuissance (8,78%) la peur (4,16%) et l’espoir (2,75%). C’est à cette dernière émotion, l’espoir mais surtout la joie que cela procure, que Marianne Claveau nous a invité à donner le volant ! Pour elle, “C’est plus inspirant, plus agréable et drôle, bon pour notre santé mentale, psychique et physique. La joie ouvre des possibles, permet de mettre en œuvre le changement, en évitant de susciter la résistance chez l’autre. Cela dessine un cadre plus propice à la coopération et la co-création d’une société plus écologique et solidaire !”. Dans cette période anxiogène, comment donner le volant à la joie et surtout lui permettre de le garder ? Marianne Claveau n’a malheureusement pas de solutions miracles. Elle propose cependant de commencer par prendre soin des énergies négatives qui s’expriment, pour les composter et les mettre au service de l’action positive, de cultiver son état d’être et de passer de l'ego à l’éco. Mais aussi de gagner en humilité en se laissant enseigner par le vivant, le non-humain ayant déjà vécu des crises et des extinctions ! En résumé, de danser avec l’incertitude.
“On ne change jamais les choses en combattant la réalité existante. Pour changer quelque chose, il faut construire un nouveau modèle qui rend le modèle existant obsolète.” Richard Buckminster Fuller
Appréhender et déconstruire nos systèmes de domination pour co-construire une société plus écologique et solidaire
Prendre sa part de responsabilité, sans honte, sans culpabilité pour se donner les moyens concrets d’agir en conscience, avec détermination et sérénité au service du changement sociétal. C’est le message partagé par Nathalie Achard, médiatrice et facilitatrice en posture de communication non violente, et ancienne responsable de la communication de Colibris.
“Notre cerveau produit 70% des décisions sans que nous en ayons conscience !“. Une information clé qui explique que nous respirons, mangeons, marchons naturellement / inconsciemment : la fameuse autoroute neuronale. Bien que très pratiques dans la vie, des études ont montré que ces mécanismes neuronaux sont aussi à l’origine de comportements “oppresseurs” qui peuvent rendre difficile les coopérations entre personnes que ce soit au sein de collectifs ou de projets de territoire. En effet, si chaque personne impliquée pense détenir la vérité, la communication et la co-construction resteront très limitées, entraînant soit un ralentissement du projet, soit l’émergence d’une réponse pas forcément adaptée pour toutes et tous, ou soit allant même jusqu’à provoquer l’arrêt du projet. L’idée est alors d’en prendre conscience et de créer des “chemins de traverse” pour faire un pas de côté et passer d’une posture de sachant “qui aide”, à une posture d’équivalence, “au service de”. C’est à partir de ce moment-là que les réponses sont co-construites avec les ressources de chacune des personnes, permettant de rendre sa liberté d’action et sa liberté d’être à chacun et chacune. Chaque personne devenant ainsi actrice sur son territoire de vie.
C’est aussi le témoignage que sont venus apporter Céline et Sreng Truong, tous deux membres permanents d’ATD Quart Monde. Proches de populations en situation de précarité, ils sont quotidiennement confrontés aux difficultés que peuvent rencontrer les populations fragiles socialement dans leur souveraineté, dans un quotidien où l’on fait pour eux, et non avec eux, posant la question de l’adéquation des solutions proposées avec la problématique rencontrée.
Changer de posture pour imaginer et construire ensemble des solutions adéquates pour son territoire de vie, est un premier pas à franchir, mais pas le seul ! En effet, Makan Fofana, "ministre de la magie" et fondateur de l’Hypercube, a proposé aux habitants des banlieues de rêver ensemble la banlieue du Turfu (futur en verlan) en libérant les imaginaires. Makan s’est rapidement confronté à l’impossibilité, pour les personnes rencontrées en atelier, à se projeter dans un futur désirable. Il constate que certaines représentations sont tellement ancrées dans les schémas de pensée des gens, habitants et non habitants des banlieues, que les seules pistes possibles de réussite, dite d’ascension sociale, pour les jeunes des banlieues, est de quitter les quartiers pour devenir footballeur, humoriste, comédien, mannequin ou homme politique. “Cela fait partie du pacte républicain !” dixit Makan Fofana. Il en conclut rapidement qu’il est avant tout nécessaire de déconstruire les schémas de domination et de jugements : “La déconstruction est une première étape pour pouvoir ensuite imaginer les banlieues du turfu”.
C’est justement ce sujet des imaginaires et des croyances limitantes que l’Agora des colibris se propose d’aborder lors de la deuxième rencontre nationale qui aura lieu les 15 et 16 octobre : “Comment libérer les imaginaires pour créer de véritables passages à l'acte collectifs ?”. Après un temps de déconstruction de ces croyances limitantes, nous vous proposerons de vivre différentes approches de libération des imaginaires. Bloquez dès maintenant cette date dans vos agendas !!
Pour aller + loin
- Les prochaines rencontres de l'Agora des colibris.
- Le livre de Joanna Macy, “Écopsychologie pratique et rituels pour la Terre”.
- Le livre Nathalie Achard, “Mon privilège, ton oppression”.
- Le livre de Makan Fofana, “La banlieue du Turfu”.
Commentaires
Cet article vous a donné envie de réagir ?
Laissez un commentaire !
Agora Angers
Permalien
Bravo pour l organisation et la qualité des intervenants et des interventions.