Se reconnecter à la nature : un défi éducatif !
Raphaël Mellado, enseignant à l’école libre Être et Savoir, est membre du cercle de gouvernance du Printemps de l’Éducation. Ce réseau regroupe les citoyens qui se reconnaissent dans le besoin d'un renouveau éducatif pour une éducation respectueuse et consciente. C’est un partenaire très impliqué dans la construction et l’animation de l’Agora des colibris dédiée à « Se (re)connecter à la nature : un défi pour l’Éducation du XXIème siècle ! » À mi-parcours de cette Agora – après quatre mois d’atelier et deux rencontres –, Raphaël trace un point d’étape et les perspectives de cette aventure citoyenne passionnante. Ne ratez pas la suite… Et la prochaine rencontre de cette Agora, à Paris, les 15 et 16 juin prochain ! (c'est gratuit !)
– À mi parcours de cet atelier de l’Agora des colibris sur la (re)connexion à la nature dans les systèmes éducatifs, quelles sont les principaux questionnements sur lesquels travaillent les participants ?
De manière générale, cet atelier questionne la place donnée à la nature dans l’éducation et dans nos vies ; la place de nos émotions d’humains également, de notre posture dans ce monde. Nous échangeons sinon sur les incohérences de notre système social et éducatif, qui nous amènent à perdre le fil de nos besoins essentiels, les reléguant parfois au second plan derrière les enjeux sociaux, de programme, ou de conformité, comme si trouver sa place dans notre système sociétal était l’enjeu majeur d’une éducation réussie...
Trois axes principaux de réflexion se sont imposés à travers nos échanges :
- Comment repenser les architectures en milieu éducatif pour remettre l’enfant au cœur du vivant ?
- Comment impulser, mobiliser les acteurs du monde éducatif pour favoriser une connexion à la nature chez les jeunes ?
- Quels seraient les contenus de formations plus “connectantes” au vivant ?
Rencontre de l'Agora à Lyon (69) les 2 et 3 février 2019 (© Geoffrey Boulay)
– Il y a-t-il déjà une ou plusieurs idées fortes qui émergent à ce stade des échanges entre citoyens, associations d’éducation à la nature et pédagogues ?
Il y en a plusieurs, et notamment une évidente convergence pour se relier à la nature au quotidien. Mais ce qui ressort de nos échanges, c’est que parmi les obstacles divers pour pouvoir le faire, existe une certaine peur de la nature chez de nombreuses personnes. En effet, avec le développement de nos sociétés, l’être humain s’est en partie déconnecté de la nature, allant de moins en moins à sa rencontre, s’enfermant à l’intérieur des villes, des villages, des bâtiments, des maisons. Nous somme presque parfois devenu des êtres vivants “hors sol”, ne se considérant pas comme faisant partie de cet environnement biologique, ou en ayant peur de lui. Or, plusieurs psycho-pédagogues nous ont interpellés sur le fait qu’en se déconnectant de notre environnement, nous nous sommes également déconnectés de nous-même, de notre corps, de nos sensations, de nos émotions. Et dès lors de notre entourage et d’une forme d’authenticité. Ces praticiens nous ont alors proposé toute une série d’exercices, de jeux, et de pistes de travail à développer avec des jeunes et des enfants, afin de redécouvrir des capacités de perception de notre corps que nous ne soupçonnions pas !
– Des pistes d’actions collectives se dessinent-elles à ce stade ?
Oui, c’est l’un des points forts des Agoras : nous rencontrer pour triturer ensemble nos visions et nos envies, afin de porter ensuite des initiatives en commun.
On s’est rendu compte à la fois que le monde de l’éducation à la nature foisonne d’idées et de gens passionnés et pertinents, et que les citoyens sont en demande d’une vie plus proche de la nature. Mais la multitude d’initiatives existant en France demeurent fragiles et locales, et les projets sont souvent isolés les uns des autres. En outre, après de très beaux développements des réseaux d’Éducation Populaire et d’éducation à la nature avant puis après-guerre, d’intégration de ces aspirations par les pouvoirs publics, on mesure un véritable recul parmi les institutions – alors même que la demande de nature des enfants et des adultes n’a jamais été aussi forte –, une forte baisse des soutiens publics, des obstacles réglementaires (en matière d’hygiène ou de sécurité) pour emmener les enfants dehors, et une certaine lassitude des réseaux d’éducation à la nature.
Rencontre de l'Agora à Lyon (69) les 2 et 3 février 2019 (© Geoffrey Boulay)
Il en va de même dans l'Éducation Nationale : malgré le développement d’initiatives remarquables au sein de nombreux établissements, il existe de nombreux verrous (réglementaires, mais pas que) pour passer un cap et changer d’échelle. Et cela afin de faire de la connexion à la nature pour les élèves un principe d’éducation constituant dans l’institution.
Verrons-nous davantage d’écoles publiques et privées intégrer la nature dans la vie quotidienne des enfants ? Des collectifs familiaux et amicaux d’immersion dans la nature continuer à se lancer dans les quartier et les villages ? Parviendrons-nous à proposer aux élus locaux et à l’institution des pistes concrètes d’actions en faveur de la formation de nos enseignants ? Au cours des rencontres de l’Agora à Saint-Maximin (Var) et à Lyon, plusieurs impulsions d’actions concertées ont été données, et même quelques projets en partenariat. J’ai bon espoir de voir ces projets se concrétiser dans les mois à venir, et pouvoir vous en reparler.
– Si tu devais ne retenir que deux moments forts durant les deux premières rencontres nationales, en novembre à Saint-Maximin et en février à Lyon, ou durant les web-conférences (avec Anne-Caroline Prévot le 12 décembre et Vincent Houba le 22 février), lequel serait-il et pourquoi ?
Je dirais que les interventions autour du projet Le Grand secret du lien avec cette volonté d’essaimer des pratiques d’éducation connectantes à la nature m’ont beaucoup touché. Leur démarche expérimentale en cours passe par des séjours d’immersion dans la nature d’enfants et d’adultes dans cinq territoires en France, et d’expérimentations de cette nature par tous les sens. Avec l’ambition d’intégrer bien d’autres communes. Ce projet est une véritable quête de soi, très enthousiasmante.
Après, j’ai aussi été ému à l’écoute d’enseignantes qui prennent des libertés dans leurs classes, dans leur collège, pour mettre en œuvre des temps de sortie et de lien à la nature, dans le public. Il y a un vrai militantisme que je connaissais chez les anciens et que je vois encore très vivant chez des éducateurs d’aujourd’hui. Je sens aussi la frustration et la tension de devoir répondre à une demande institutionnelle qui, mise face aux besoins des enfants, rend le travail compliqué voire révoltant. Et pourtant des gens parviennent à faire bouger les lignes localement pour mettre les besoins des enfants et des humains au centre de leurs pratiques. A nous tous de nous relier pour polliniser ces exemples locaux !
Retour en vidéo sur la rencontre de l'Agora à Lyon (69) les 2 et 3 février 2019 (© Geoffrey Boulay)
Pour aller + loin
Pour vous inscrire à la prochaine rencontre nationale de l'Agora Éducation à Paris les 15 et 16 juin prochain : cliquez ici !
- Portail du Printemps de l'Éducation
- L'Agora des Colibris
- Fédération Connaître et Protéger la Nature
- Réseau École et Nature
- École Salamandre
- Réseau des CPIE (Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement)
Commentaires
Cet article vous a donné envie de réagir ?
Laissez un commentaire !
Ouverture Ecole Nature en Drôme
Permalien
Bonjour à tous et merci pour ce bel article !
Nous ouvrons une école associative alternative "Nature" en Drôme en septembre prochain dans notre ferme.
Nous croyons en effet qu'un lien quotidien doit être maintenu entre les enfants et leur environnement.
Il nous reste quelques places chez les 4, 5 et 6 ans ! Vous pouvez découvrir notre projet ici https:/:www.ecole-de-pan.com et suivre notre page facebook "ecole de pan".
N'hésitez pas à nous contacter.
Profs en transition
Permalien
Bonjour et merci pour votre article. Pour votre information, depuis cet automne, un groupe Facebook à destination des enseignants francophones motivés à l’idée de la construction d’une pédagogie toujours plus verte, responsable et solidaire a été créé et regroupe aujourd’hui plus de 3.800 collègues répartis de par le monde. Nous échangeons quotidiennement, de manière apolitique et bienveillante, autour de nos pratiques pour les faire évoluer vers cet idéal pédagogique de reconnexion et de compréhension des enjeux liés. Voici le lien vers Le groupe, vous y êtes les bienvenu.e.s:
https://m.facebook.com/groups/550497372039619?ref=share