Témoignage : L'école La Marelle est née !
Géraldine, racontez-nous la genèse de cette école. D’où vous est venue cette envie de monter un tel projet ?
Plusieurs facteurs ont joué un rôle déterminant. D’abord, de par mon métier de sophrologue, j’ai réalisé que beaucoup des souffrances à l’âge adulte trouvaient leurs causes dans l’enfance, parfois dans l’échec scolaire. Le manque de confiance, la mauvaise estime de soi sont souvent nourris pendant les jeunes premières années. L’enfance est donc un moment essentiel dans le développement de chaque être humain, au cours duquel tellement de choses peuvent aussi bien être construites que détruites. Ensuite, je crois que je mûris ce projet depuis que mes propres enfants sont à l’école. Je me souviens m’être fait cette réflexion qu’il était quand même étrange d’avoir un seul modèle pour tellement d’enfants différents… Et puis, un jour, on a diagnostiqué une dyslexie pour l’un de mes garçons. Cela a posé de manière encore plus fondamentale la question de l’accompagnement pédagogique. Car à l’école classique, cela devenait très difficile. Mon fils a eu la chance d’avoir des enseignants très à l’écoute avec qui nous avons pu essayé d’autres méthodes et j’ai constaté qu’en faisant autrement, ça pouvait marcher. Il a retrouvé de la joie de vivre, a repris confiance et s’est remis dans une dynamique d’éveil. À ce moment-là, mon envie de créer une école était plus grande que jamais ; il a suffi ensuite d’une courte discussion avec Pierre Rabhi pour que je prenne la décision.
Comment s’est passé la mise en place ?
En 2011, j’ai soumis l’idée à des professeurs des écoles qui se sont montrés très emballés par le projet, me confortant dans mon choix. Je crois qu’avoir l’aval de ces enseignants m’a aidée à me lancer. J’avais alors besoin d’affiner l’idée et je suis donc allée voir plusieurs structures différentes, comme la Ferme des Enfants, l’école du Colibri, l’école des Roseaux, l’école des Papillons, etc., afin de discuter et comprendre. Et puis j’ai assisté au Forum d’octobre 2011 aux Amanins, "un changement humain pour un changement de société" ; ce fut une date importante. À la fin du documentaire sur l’école d’Isabelle Peloux ("Quels Enfants laisserons-nous à la Planète ?"), il y a cette scène très touchante où les enfants chantent "Êtes-vous prêt à vous engager ?". Je l’ai vécu comme un appel, et j’ai pris cet engagement avec moi-même de ne plus renoncer à ce projet. J’ai pu rencontrer Isabelle Peloux et Pierre Rabhi, et leur soutien fut précieux. Ils m’ont rassurée en m’encourageant. Et en janvier 2012, nous avons créé, avec mon mari et quelques proches, l’association "Marelle & Cie", ce qui a marqué le véritable début de l’aventure.
Q : Y a-t-il eu des problèmes particuliers à l’installation ?
Une étape essentielle réside dans la recherche de locaux. Il y a ensuite bien sûr plusieurs volets à gérer, notamment d’un point de vue administratif. Une "enquête de moralité" est menée par la préfecture et le procureur de la République, les locaux sont soumis à l’accord d’une commission de sécurité, l’école doit être déclarée à l’Académie, etc. Mais tout s’est bien passé jusqu’à maintenant. À partir de la rentrée, nous allons poursuivre les relations avec l’Inspection Académique, qui évalue le projet au regard du socle commun de compétences ; les écoles "hors-contrat" comme La Marelle sont en effet inspectées par l’Education Nationale pour garantir les bonnes mœurs et la progression des élèves dans leurs acquisitions.
À qui s’adresse votre école ? Comment va-t-elle fonctionner concrètement pour cette première année ?
La classe accueillera 15 élèves, avec une enseignante "référente", un enseignant de collège qui viendra une journée par semaine, et des assistants pour seconder l’enseignante. La présence d’un professeur de collège dans l’école permet d’accompagner les plus âgés à la préparation de la sixième et du changement de système. Les enfants inscrits ont de 3 à 11 ans, avec une bonne répartition par tranches d’âge. Nous avons eu aussi des demandes pour des enfants différents, un peu à la marge du système classique. L’un des inscrits vient par exemple faire une année chez nous entre le CM2 et la sixième, afin d’acquérir plus de confiance. C’est très agréable de constater que les profils sont très variés, les enfants viennent d’horizons très divers.
Comment a été accueilli votre projet sur le territoire ?
Je dois dire que l’accueil qui nous a été réservé à St-Pantaly d’Ans a été très positif. Nous sommes sur une toute petite commune de 150 habitants, sur laquelle il y a très peu d’activité. Peut-être que cela a aussi facilité notre implantation. Le Conseil municipal nous a accueilli à bras ouverts, et les quelques réserves qui ont pu être exprimées - à juste titre, quant à la nature du projet pédagogique notamment -, ont été levées plus facilement quand je suis venue le présenter moi-même lors d’une réunion communale. Notre démarche participative et insérée dans la vie locale plaît aux habitants. Nous allons développer des services à la personne, faire participer les élèves à la vie du village et accueillir les habitants dans la classe. Nous espérons à notre échelle contribuer à redynamiser le territoire.
Combien coûte une inscription dans votre école, qui est, par définition, une école privée, hors-contrat ?
Elle coûte 2400 euros par an, soit 200 euros par mois pour chaque élève. Nous n’avons par ailleurs pas de cantine, donc les élèves doivent amener leur lunch-box. Dans ce prix est compris tout un ensemble d’activités extra-scolaires que nous allons mettre en place tout au long de l’année. Mais il est vrai que la question du modèle économique reste compliquée pour ce genre de système éducatif. Nous réfléchissons aux moyens de faire baisser ce coût. Nous avons l’intention de développer un Fonds solidaire qui pourrait être alimenté par du mécénat d’entreprises. Et nous saisissons toutes les occasions de faire rentrer un peu d’argent (vide-greniers, ateliers divers, conférences, vente de confitures, etc.)
Quels sont les principes fondateurs qui vont guider votre pédagogie ?
Le projet pédagogique est basé sur trois axes. Le premier, c’est de respecter les différences et notamment les rythmes d’apprentissage individuels. Nous voulons permettre à chaque enfant de découvrir son propre potentiel en valorisant les "intelligences multiples". Le deuxième, c’est de travailler le "vivre-ensemble". Nous allons développer la coopération, à partir des pédagogies coopératives, de la communication non-violente ou des outils de gestion de conflit par exemple. Il est aussi prévu un module de formation pour les familles, pour que cela crée un cadre cohérent autour de l’enfant. Il s’agit du module Faber & Mazlisch qui s’intitule "Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent". Ce sont de nouvelles techniques de communication appliquées aux relations parent-enfant. Enfin, le troisième pilier de notre modèle pédagogique, c’est ce qu’on appelle "l’École hors-les-murs". Il s’agit de réinsérer l’enfant dans son environnement au sens large, c’est-à-dire la vie du village, le voisinage, la nature, la vie quotidienne, etc. Nous allons appuyer les enseignements là-dessus. Il est important de préciser ici que les enfants auront acquis à la fin de leur parcours les mêmes connaissances que celles proposées par les programmes classiques. Ils auront tout fait, ils l’auront juste fait différemment et dans l’ordre qui leur aura convenu.
Quelles ont été vos sources d’inspiration dans la constitution de ce modèle éducatif ?
Nous nous basons sur cette idée commune à toutes les pédagogies dites "nouvelles" selon laquelle l’enfant traverse des périodes sensibles, des moments où le cerveau est ouvert à certains apprentissages, qui sont essentiels dans son propre développement. Si à ce moment-là, on parvient à nourrir son besoin, alors il absorbe et le travail pédagogique remplit sa mission. Je dirais qu’il y a un maître-mot dans notre démarche, c’est l’autonomie. On retrouve ce principe d’autonomie dans plusieurs courants pédagogiques : Maria Montessori, en particulier, a pensé sa méthode avec l’idée d’autonomie de l’enfant. L’adulte a un rôle d’observation, qui lui permet de présenter à l’enfant le bon matériel au bon moment et c’est l’enfant qui mène son propre apprentissage. Nous pensons que l’enfant, par nature, a envie d’apprendre et de réussir. Il a soif de découverte, c’est une sorte de valeur universelle. Son travail, c’est de devenir adulte et il le fait par imitation et par absorption de son environnement. C’est pourquoi nos méthodes s’appuient beaucoup sur l’autonomie, la responsabilisation, l’auto-correction.
Comment qualifieriez-vous votre école pour quelqu’un qui ne connaît pas votre projet en tant que tel ?
La Marelle est une "école plurielle", dans la mesure où l’on y mêle différents courants pédagogiques. La pédagogie est un univers passionnant, avec de nombreux concepts qui existent, chacun présentant sa part d’intérêt au regard des valeurs citées tout à l’heure (les différences individuelles, la coopération et le lien à l’environnement au sens large). Nous avons décidé de ne pas choisir une méthode à l’exclusion des autres. La méthode Montessori est très présente dans la classe, mais nous emprunterons au fil du temps à tous les courants les outils qui nous permettront de développer les trois axes du projet. D’après nous, le principe cardinal réside dans le positionnement de l’adulte vis-à-vis de l’enfant et dans le regard porté à chaque élève. Apprendre ensemble et vivre ensemble, cela n’est possible que si l’on est en paix et en confiance avec soi-même et avec le monde dans lequel on vit.
École La Marelle
Le Bourg
24640 Saint Pantaly D'Ans
Courriel : marelleetcompagnie@gmail.com
Téléphone 05 53 13 30 43 (de 9h30 à 16h)
Commentaires
Cet article vous a donné envie de réagir ?
Laissez un commentaire !