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La ruche qui dit oui

Une ruche dans laquelle on peut entrer...

J’ai eu vent d’une ruche qui ouvre grand ses portes, même au cœur de l’hiver, et distribue ses denrées à tout le voisinage. Intriguée, j’ai poussé le grand portail rouge, trouvé un olivier, le sourire généreux de Nadia, affairée au milieu des cabas, puis, sortant de son bureau, Christian, le maître des lieux, la cinquantaine, roux tels ceux qui s’en sont venus de contrées lointaines, accueillant, tout entier tourné vers les autres.A 17 ans Christian eut une vision : un lieu de soins pour le corps, l’esprit et la planète. Il a confronté son rêve à la réalité plusieurs fois, à travers quatre expériences différentes avant de parvenir à ce qu’il souhaitait, un espace, la Courte Échelle, construit en partie de ses mains, conçu pour produire plus d’énergie qu’il n’en dépense, réunissant des salles de consultation (sophrologie, réflexologie, psychothérapie...), de pratiques corporelles (yoga, massage, pilates...) et... une ruche.

 «La ruche qui dit oui», du bon, du local, de l’humain et... internet.

Nadia et Christian ont de suite adhéré au concept.

Il faut dire qu’en 10 ans, une exploitation agricole sur quatre à coulé. Surtout les petites. En parallèle, de plus en plus de gens ont le sentiment de mal manger, jusqu’à parfois avoir peur de leur assiette lorsqu’ils découvrent ce que renferme un pot de Nutella ou une pizza bon marché. Que s’est-il passé ?
Le lien, rompu, entre ceux qui produisent et ceux qui consomment a laissé s’infiltrer les intermédiaires, promesse de sur-consommation heureuse et peu onéreuse... Mais les promesses...

Ainsi, Violette faisait du melon pour la grande distribution. Culture intensive (donc fragilisée), prix bas imposés, le moindre accident et c’est le dépôt de bilan. Violette a failli disparaître. Elle a du choisir : cesser ou produire autrement.

Ce constat, d’autres l’ont fait, ont cherché une solution satisfaisante pour relier les deux extrémités de la chaîne, à travers les outils et les modes de consommations actuels. Fondée en 2010 par Guilhem Chéron «La Ruche qui dit Oui» facilite la création de communautés de voisinage, les commandes groupées directes et locales.

Mais comment naît une ruche ?

Appuyés par la structure nationale, en quelques semaines Nadia et Christian ont trouvé des producteurs, mis leur ruche en construction sur le site internet (http://www.laruchequiditoui.fr), adapté leur local, distribué des tracts dans le quartier, prévenu tous les amis et attendu que les abeilles, nom donné aux acheteurs, s’inscrivent.En 3 mois, 230 abeilles ont rejoint leur ruche. 25 à 30 passent effectivement commande chaque semaine. Pas de minimum imposé, chaque abeille choisit de commander ou non, avant la clôture, les produits que la ruche a sélectionné. Les règlements se font par internet. La distribution a lieu 3 jours plus tard. Et là, tous se rencontrent.
Nadia s’agite. C’est elle qui réceptionne, organise la distribution des légumes de Violette, des pâtes fraîches de Gyslaine, des gâteaux de Bruno, les p’tits plats de Serge, les bières de la Meduz, le pain, le savon, le miel... Que de bonnes choses, poussées, élaborées et dégustées dans la région.

La salle est belle, le parquet chaleureux, la baie vitrée ouvre sur la cour et son olivier. Nadia range les grands cabas numérotés et chargés de légumes tout autours de la pièce, aidée de Françoise, «retraitée occupée mais ça tombait bien j’avais rien le vendredi alors comme au début c’était un peu la panique à bord, je les aide bénévolement».
Des producteurs s’installent et numérotent leur colis. Ainsi lorsque les abeilles arriveront, il sera plus simple de retrouver la commande de chacun. Christian accueille, présente, vole de l’un à l’autre pour créer ce climat, cette attention dont tous me parleront.

Bruno, le boulanger, a apporté quelques douceurs à déguster : des meringues réussies car «les amateurs vous le disent direct si c’est raté», un pain d’épices divin et son Varésien, médaille d’or du Gard Gourmand. Ce grand brun joyeux à choisi la Ruche car «dans ton p’tit coin, tu stagnes, alors que rencontrer d’autres producteurs permet d’inventer, de créer».Je goûterai volontiers au Spirulin, pain qu’il a imaginé à partir de la spiruline et du lin trouvés à la «Ruche» ou même au Pain de la Ruche élaboré à partir de farine de châtaigne découverte ici-même lors d’une vente précédente. Mais ils sont déjà vendus !
Je ne goutterai pas non plus aux pâtes fraîches de Gyslaine qui marie l’Italie et le sud à travers ses recettes à base de farine et d’herbes locales. Cuites en 1 minute et demie, il parait que le goût des herbes est entier, un filet d’huile d’olive, pas plus et c’est le paradis. Les abeilles y reviennent, pleine de compliments, pressées de tester de nouvelles saveurs.

Jean-Claude, lui, glane des informations. Bientôt à la retraite, il cherche un complément de revenu, envisage d’ouvrir une ruche à Lunel. L’animateur d’une Ruche touche 10 % sur les ventes. Le même pourcentage est retenu par le siège parisien. Le principe  convient à Jean-Claude même s’il commence à comprendre que c’est un investissement en temps non négligeable. Il est déjà engagé dans le bio alors il vient voir comment les choses se passent en vrai. Il aime aussi la photo et me propose de couvrir la soirée. Ouf ! Je lui passe le relais car déjà Christian me présente Marion.

Tous ne viennent pas pour les mêmes raisons.

Abonnée à Cuisine AZ sur Facebook, un article sur la Ruche a donné envie à la jeune femme de tester le concept. Elle revient chaque semaine car «c’est super, surtout la qualité des aliments. Mon mari, souvent en déplacement, mange les pommes de la Ruche à midi. L’autre jour, j’en avais plus, je lui ai mis des pommes achetées au supermarché, il les a jeté !» Et oui, habitué aux bonnes choses, il est difficile de revenir en arrière.Les produits ne sont pas toujours Bio mais de goût, oui.

Pour Adrien, commercial, «c’est bien de faire travailler les gens du coin». Pour Jean-Pierre, retraité «avant j’allais au marché pour rencontrer les gens, ici aussi c’est sympa, on voit les producteurs, on goutte, c’est une démarche espérante dans un monde dur».
Nicolas, casquette vissée sur la tête vient d’un village voisin «parce qu’ici t’as pas l’impression d’être un client, on est pas gentil avec toi uniquement pour ton argent, non, on passe un bon moment,et puis internet, c’est pratique, tu commandes à n’importe quelle heure». Laetitia et Charly, jeune couple du quartier avait testé l’Amap mais «on est difficiles, alors on préfère choisir nos produits». Tout le monde s’y retrouve.

La Ruche qui dit oui élargit le profil de l’acheteur militant à monsieur et madame tout le monde. Ici se croisent des gens différents aux motivations diverses, qui se rejoignent sur deux choses : l’accueil et le bon goût des produits. Alors ? Et bien j’ai passé ma première commande et, ce soir, je passe à la Ruche.

Des infos sur la Ruche de Nadia et Christian
La Courte Echelle
11 bis rue de Genève
30000 Nîmes

La plume

Frédérique HUGUET JARNOT
http://motsenligne.canalblog.com/
http://fredjarnot.fr

Un grand merci à Frédérique pour ses reportages ! Si vous aussi vous souhaitez devenir reporter Colibris, prenez contact avec Jean-François :
jean-francois@colibris-lemouvement.org

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