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Chronique Le Jardin sans pétrole #9

Comment transformer les limaces en amies...


Jardiner dans la grande ville ? Difficile. Alors, Christine s’échappe toutes les fins de semaine, pour maraîcher et observer la nature. Médiatrice, écrivaine et journaliste, Christine écrit et expérimente autour des plantes, des jardins et de l’écologie, à Reporterre, où elle tient la chronique hebdomadaire du "Jardin sans pétrole" depuis cinq ans, mais aussi pour les éditions Belin, avec L’herbier Vilmorin (2015).

Diantre ! Les limaces envahissent en ce printemps humide le jardin sans pétrole. Comment s’en débarrasser ? À moins de composer avec elles, car comme tout organisme vivant, elles ont leur utilité dans le grand cycle de la vie.

Jean-Marie a emporté de la bière et des gobelets en plastique avec la ferme intention d’installer partout des pièges contre les limaces. Ca ne me plaît pas, même s’il est vrai que cette année, elles prolifèrent et dévorent pratiquement tout ce que nous plantons et semons, ne laissant aucune chance aux plantules. Nous allons faire notre troisième tentative de semis de haricots verts ! Pour les courges, les concombres et les courgettes nous comptons sur les graines qui ont germées spontanément, dont trois ont survécu. Adieu la courge Giraumon turban, une très ancienne variété française déjà inscrite au catalogue de Vilmorin avant la Révolution français, en 1785, et que j’étais si contente d’avoir vue sortir de terre !

Avec cette surpopulation de grande loche, nom vernaculaire donnée à cette espèce de la famille des Arionidae qui s’est installée, je me réjouis de voir qu’il y a quand même plein de fraises dans le jardin. Évidemment, une sur quatre environ a été plus ou moins abimée par les limaces, mais aussi par les fourmis et les cloportes, pour ce que j’ai pu observer en récoltant les fruits juteux et parfumés. À l’ombre, les grandes loches attendent, en demi-boule pour signifier qu’on les dérange. Au niveau des pieds des fraisiers, j’observe une bave mousseuse et en grattant un peu, découvre que des bébés limaces sont partout !

Certes, l’année a été très humide, mais n’avons-nous pas dans notre quête d’un sol vivant, riche en humus, favorisé leur multiplication ? Quel peut bien être le rôle de ces mal-aimées, capables de transformer en assassin n’importe quel jardinier ou jardinière biophile ?

Car si les limaces sont présentes partout et depuis si longtemps - elles ont gardé de leur ancienne vie aquatique un goût prononcé pour l’humidité - c’est sans doute qu’elles ont une fonction dans la vie biologique du sol. À l’instar des épigés, ces vers de terres de surface, elles aiment les feuilles un peu passées, que vous ne mettriez pas dans votre salade, et les plantes mal fichues que les champignons pathogènes commencent à attaquer. Ainsi, les limaces ont une fonction importante dans la digestion des végétaux et l’incorporation de ces derniers dans le sol pour créer une terre riche en humus. Les limaces assainissent aussi le jardin en supprimant des feuillages douteux, limitant ainsi le développement de maladies fongiques.

Je comprends ainsi pourquoi les semis spontanés ont mieux résisté que les plantes en godet qui s’affaiblissent toujours au moment de la transplantation. Notre habitude de laisser sur place les herbes spontanées que nous arrachons apportent de fait une nourriture conséquente aux grandes loches du jardin, surtout quand on les recouvrent d’un mulch qui garde la fraîcheur !

Hervé Coves, ingénieur agronome et défenseur d’une vision holistique de la vie, propose de composer avec cette « ennemie historique » des jardiniers en leur aménageant des endroits douillets, comme un parterre de colza ou autres crucifères, où elles pourront se refaire une santé après l’hiver. Elles en raffolent ! Elles pourraient ensuite se montrer plus raisonnables dans le jardin en faisant leur boulot. Il aime à rappeler que la vie est belle. Chaque être a sa place sur terre. Apprendre à travailler avec la nature est un processus complexe qui demande connaissance, tolérance et humilité. Merci les limaces pour cette leçon de vie.



Photos : © Christine Laurent/Reporterre sauf photo chapô : un Arion vulgaris. Wikipedia (CC BY-SA 3.0)

Commentaires

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bonjour,
difficile de rester de marbre lorsque les limaces dévorent la moindre fibre végétale. J'ai mis au point une technique qui fait peut être des victimes chez les limaces et autres gastéropodes : mais qui a l'avantage de permettre une cohabitation de longue durée ensuite. Bière en gobelet :suicides collectifs garantis pendant quelques jours. Puis je laisse le gobelet en place. les limaces prolifèrent, mais ne viennent plus dans mes carrés. Cela me parait un juste prix pour une paix durable.

Provoquer une telle hécatombe...ça ne me laisse pas de marbre , ça fait mal au coeur plutôt . Il me semble qu'il nous faut trouver d'autres solutions , moins autoritaires , moins destructrices ! ça suffit de tuer .... on massacre beaucoup trop sur cette planète...on tue tout ce qui ne nous convient pas , et sans se poser de question .

Chez moi pas de massacre!! je leur laisse quelques croquettes pour chats dans les gamelles et elles on l'air de se régaler. j'en ai même vu qui s'enlacaient, c'est pour vous dire. Vraiment!! Et je n'en vois aucune dans le jardin ! Et les chats ne sont pas perturbés pour autant. Belle cohabitation nest-ce-pas??