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Échangeons nos graines, dans le Loiret

Au cours du XXème siècle, 75% des variétés comestibles cultivées ont disparu, selon un rapport de la FAO. Les causes sont multiples : arrivée de la technologie dans l'agriculture, dépendance des paysans envers les entreprises semencières, augmentation des activités industrielles, globalisation, évolution du marché alimentaire… C’est dans ce contexte, bien dépeind par Coline Serreau dans son film “Solutions locales pour un désordre global”, que fleurissent les grainothèques, plus de 200 aujourd'hui en France. Le concept : un espace où chacun peut déposer ses graines, ou repartir avec de nouvelles variétés. Une sorte de conservatoire de semences, vivant, citoyen, et coopératif !

par Guilherme Raj

 
En France, la création, en 1932, du Catalogue des espèces et variétés de plantes cultivées, destiné à réglementer la commercialisation des semences dans le pays, a considérablement restreint la circulation des graines et a affecté directement la biodiversité dans nos jardins, paniers, assiettes… 
 
Pour que nous soyons tous libres de planter et replanter mais aussi d’échanger nos graines que les projets de grainothèques existent. Une initiative citoyenne aussi simple que militante pour Sébastien Wittevert, fondateur du concept des grainothèques en France : “c’est un combat, un acte citoyen et une désobéissance volontaire face à un projet plus global de société qui nous impose une agriculture intensive, des OGM, des pesticides… alors que tout le monde veut l’inverse !”.
 

Le 2 avril dernier a marqué le lancement des deux premières grainothèques du Loiret : une à la Bibliothèque Municipale d’Olivet et la deuxième dans la librairie Voltes Pages dans le centre ville. À l’initiative de Catherine Slimani, membre du groupe local Colibris 45 Orléans, et Séverine Aumont-Sanz, responsable de la libraire Volte Pages, plusieurs temps forts ont enrichi la journée : des colloques, débats, lectures pour enfants et une exposition. Tout cela pour sensibiliser les participants aux enjeux politiques, économiques et sociétaux qui entourent ce projet. Pour informer et animer cette journée, une équipe d’experts a été conviée : l'agriculteur, écrivain et chercheur Philippe Desbrosses, Maxime de Rostolan, coordinateur du projet Fermes d'avenir, et Sébastien Wittevert.

Dans la matinée, Philippe Desbrosses(photo) a rappelé le pouvoir des graines, l’importance de leur rôle reproductif pour stimuler la biodiversité. Il a parlé du défi qui nous est lancé de combattre les réglementations semencières françaises. Convaincu que nous ne pouvons plus accepter la disparition de davantage d’espèces de semences traditionnelles, l’agriculteur a fait appel à la société civile : agir pour défendre la variété des semences et la liberté de production alimentaire. Le public militant et fortement engagé a rapidement transformé la conférence en un débat ouvert pour croiser leurs expériences personnelles avec les constats faits par Philippe Debrosses. 
 
 
L’après midi, le public était venu nombreux pour écouter les paroles inspirantes de Maxime de Rostolan et Sébastien Wittevert. Ces éco-entrepreneurs ont présenté deux solutions qui faisaient écho à l’appel fait par Philippe Debrosses le matin même. 
 
Maxime de Rostolan (photo) a présenté le projet de Fermes d’Avenir. Ce projet démontre qu’il est possible, sur un hectare, de créer un emploi pérenne en maraîchage biologique. Ce modèle peut être implémenté partout en respectant les spécificités géographiques de chaque territoire. Ensuite, Sébastien Wittevert a introduit le concept de grainothèque qu’il a développé en partenariat avec un groupe Incroyables Comestibles à La Rochelle en 2012. Pour développer les échanges de graines au-delà des grainothèques, Sébastien a présenté son site Graines de Troc, une plateforme en ligne qui permet d’échanger des graines en deux clics et de manière gratuite. Avec plus de 12.000 inscrits aujourd’hui, la plateforme a un catalogue de semences qui réunit plus de 7.500 variétés. 
 
La grainothèque est une porte d’entrée sur l’univers de l’agriculture, autant en milieu rural qu'urbain. Elle joue un rôle pédagogique et de sensibilisation très important, car en plus du partage de graines, c’est aussi le partage de richesses, de savoirs et de savoir-faire, et le renforcement des liens sociaux. Dans une ville comme Olivet, qui était à la base habitée par des horticulteurs, ce type d’initiative c’est aussi une manière de protéger la culture du territoire, selon Cécile Adelle adjoint au Maire, vice-présidente de la commission Commission Culture, Animation et Devoir de mémoire de la commune d’Olivet.
 
Les graines échangées auront pour destination les balcons, les jardins et les potagers privés et aussi, les jardins partagés et les potagers des écoliers de la ville. Saliha Slimani, habitante d’Olivet et membre du groupe local Colibris 45 Orléans, fréquente le jardin partagé. Dans ce jardin, aux côtés des parcelles individuelles, il existe une parcelle gérée collectivement. À l’initiative du Centre Communal de l’Action Sociale, cette parcelle, ouverte à tous, sert à l'insertion des personnes éloignées de l’emploi, et l'expérimentation de techniques naturelles. Lorsqu’on demande à Saliha les bénéfices de la grainothèque pour le jardin, elle parle de son rôle pédagogique : “Par capilarité, les gens qui sont autour adoptent les mêmes gestes. Dans la parcelle commune, avec les graines de la grainothèques, on a envie de tester la permaculture et d'autres techniques”.
 
Cette action du groupe local d’Orléans redynamise les liens sociaux, initie la population locale à l’agroécologie, et permet le rapprochement des acteurs publics et privés d’Olivet. 
Joli succès : une des communes voisines, Saint-Jean-de-Braye, prévoit l’ouverture d’une grainothèque pour Juin 2016 !
 

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