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Face à l’urgence écologique et sociale, place aux gilets jeunes !


Article paru initialement le 15 février 2019 sur Reporterre


Notre société laisse trop peu de liberté aux enfants et à l’expression de leur parole, explique l’autrice de cette tribune. Transformer notre rapport aux « générations futures » est pourtant la priorité pour affronter les enjeux environnementaux et sociaux.


Emmanuelle Araujo Calçada est docteure en écologie et engagée pour l’éducation démocratique. Sa tribune est cosignée par 250 personnes et huit organisations (la liste est à la fin du texte).



Toute une partie de la population française s’est levée depuis maintenant plusieurs mois dans un mouvement social hors norme. Endossant un gilet jaune, des centaines de milliers de Français, soutenus par plus de 70 % de l’opinion, réclament le droit à vivre dignement et à participer aux décisions qui les engagent.

À travers le monde, la mobilisation pour que nos sociétés répondent aux problématiques sociales et environnementales — ce que même l’ONU appelle de ses vœux à travers les objectifs de développement durable — est large et croissante. L’humanité fait face à un défi stupéfiant : celui de transformer son organisation et son mode de vie pour pouvoir continuer à vivre sur cette planète. Marches pour le climat, Zads, pétitions et autres défis collectifs tentent de mobiliser et d’agir pour éviter la catastrophe annoncée.

Tandis que chacune et chacun essaie de s’impliquer à son échelle dans ses choix de vie, au niveau collectif de plus en plus de voix s’élèvent, demandant à être écoutées par les dirigeants politiques. Avec le sentiment d’être une France de l’ombre, des sans-voix, invisibles depuis des années, même des décennies : « On ne nous écoute pas ! »

Cette période de notre existence est pourtant fondamentale

Après l’indifférence, c’est la répression qui vient répondre à celles et à ceux qui se dressent pour crier leur désespoir et leur misère, revendiquer plus de justice sociale et environnementale. Matraques, grenades et flashballs sont-ils les meilleurs instruments du dialogue entre humains égaux en dignité et en droit, dans une démocratie ?

Toutes proportions gardées, ce schéma semble familier. C’est celui avec lequel la plupart d’entre nous avons grandi, au sein de notre système scolaire. Nous n’avons pas appris que nous étions légitimes pour faire entendre notre voix et qu’elle pouvait compter. Nous n’avons pas appris à participer collectivement aux décisions et à élaborer des manières de faire et de fonctionner ensemble.

Lors de la marche pour le climat, le 8 septembre 2018, à Paris.


De notre petite enfance à notre adolescence, nous avons grandi au sein d’une institution dans laquelle nous n’avions pas d’espace de dialogue, pas d’expérience de la démocratie pour y choisir nos conditions de vie. Jusqu’à nos 18 ans, nous n’étions pas considérés comme des citoyens à part entière. « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits », proclame pourtant l’Article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme. « Naissent », il est écrit. Pas « à partir de 18 ans ».

Cette période de notre existence est pourtant fondamentale : c’est celle où s’acquièrent notre culture, nos valeurs, nos croyances, nos habitudes. La façon dont nous y sommes mis en relation avec nous-mêmes, les autres et le monde va largement déterminer les adultes que nous deviendrons et la société que nous bâtirons.

Interrogeons-nous : dans notre enfance, est-ce qu’on nous a fait confiance ? Notre voix a-t-elle compté, avons-nous pu faire nos propres choix ? Avions-nous l’espace pour affirmer un point de vue différent ? Notre créativité a-t-elle été encouragée ? Avons-nous été autorisés à coopérer avec nos semblables ou bien mis en concurrence ? Avons-nous pu passer du temps dans la nature, développer une connexion avec elle ?

Dans leurs grands discours, les dirigeants politiques invoquent souvent les « générations futures ». Ce que nous devons faire pour leur bien, pour les préserver. Il est même question de leurs droits. Mais de qui croient-ils parler ? Car les générations futures sont là, ici et maintenant.

Ce sont elles qui sont enfermées la plupart du temps loin du monde extérieur et de la nature, elles dont on attend de la discipline et de l’obéissance, elles dont on nie les droits, ceux d’être libres, égaux, dignes, de choisir leur éducation et d’être consultées sur les décisions qui les concernent.

Alors que notre société adulte s’avère incapable d’assurer son développement durable et juste, elle continue de vouloir imposer aux enfants ce qui est bon pour eux. Alors qu’elle se trouve confrontée aux plus grandes questions de son histoire, elle continue d’affirmer qu’il n’existe qu’une réponse possible, le « there is no alternative », au lieu d’ouvrir les imaginaires.

À l’école ou dans la société, l’absence de dialogue crée de la défiance, menant à l’exaspération puis à la confrontation voire à la violence, que ce soit dans la cour d’école, dans les rues ou sur les ronds-points.

Il est temps d’étendre la liberté et l’égalité aux enfants

Alors nous tous, les « générations présentes », qui perpétuons cela, sommes-nous méchants ? Sommes-nous stupides ? Non. Nous ne faisons que reproduire ce que nous avons vécu nous-mêmes, lorsque c’était nous qui étions les générations futures. Car l’enfance est quelque chose qui nous relie tous, au-delà des cultures, des genres, des couleurs de peau, du milieu social, de l’apparence, des croyances et de toutes sortes d’appartenances. Une commune condition partagée par l’intégralité des membres de l’espèce humaine qui peuplent cette planète.

Comme nous, nos parents et nos éducateurs ont fait ce qu’ils pouvaient avec les adultes qu’ils sont devenus à la suite de l’éducation qu’ils ont eux-mêmes subie. C’est à nous tous désormais de nous entraider à réhabiliter notre vision de nous-mêmes, à réinterroger nos comportements et à changer notre manière d’éduquer.

Des milliers d’enfants grandissent déjà librement au sein de leur famille ou communauté, en instruction autodéterminée. Il existe également des organisations qui font de cette utopie une réalité depuis des décennies, par exemple les écoles démocratiques, les écoles libres, les écoles du troisième type, les établissements autogérés… Présentes un peu partout dans le monde, elles ont choisi de réinventer les rapports adultes-enfants et de traiter ces derniers comme des citoyens à part entière.

Lors de la marche pour le climat, le 8 septembre 2018, à Paris.


Leur existence prouve que c’est possible. Même au sein de l’école publique, des enseignant.e.s font le choix d’expérimenter des rapports différents avec leurs élèves. Au lieu de restreindre cette liberté de choix d’instruction comme cela se profile, nous avons besoin de la préserver et de la démocratiser.

Il est temps d’étendre la liberté et l’égalité aux enfants, c’est-à-dire de respecter leurs droits fondamentaux. De les inclure dans la grande transition du XXIe siècle que notre espèce se doit d’amorcer pour répondre aux enjeux démocratiques, sociaux et environnementaux. De donner une voix à ces sans-voix (enfant vient du latin infans, qui ne parle pas), partout où ils vivent : dans leur foyer, à l’école et dans toute la société. Pour simplement assurer notre survie et pour vivre mieux ensemble.

Si nous ne transformons pas les conditions de vie des humains depuis leur plus jeune âge, nous ne transformerons pas la société. Car chaque nouvelle génération reproduira ce dont elle a été pétrie : compétition ou coopération, répression ou dialogue, domination ou équité, enfermement ou connexion à la nature. Si les enfants ne vivent pas dans la confiance, la justice et l’amour, il est peu probable qu’ils construisent une société de confiance, de justice et d’amour.

« L’urgence des enfants est encore plus grande que l’urgence climatique et en plus elle est liée », s’alarme Bernard Collot, ancien instituteur, sur son blog. « Au moins autant que le climat, ce qu’on fait de l’enfance, ce qu’on impose à l’enfance, ce qu’on empêche pour l’enfance est lié à tous les autres problèmes de l’organisation de notre société, à l’inhumanité de ce monde. »

Osons nous saisir politiquement de cette question et en assumer les implications, à tous les niveaux. Les réponses ne sont pas toutes faites, mais les questions ont à être posées. Que chacune et chacun — adulte, adolescent ou enfant — s’en saisisse et les apporte dans le débat public. Car il n’y a pas un être humain qui ne soit concerné par la situation critique de notre espèce.

« Tout se passe dans l’Éducation Nationale comme si rien ne se passait sur Terre »

L’éducation au sens large est un sujet de fond depuis trop longtemps tenu à l’écart des débats. C’est encore le principal angle mort des discours progressistes, appelant de leurs vœux une transition écologique et sociale sans prendre en compte la racine de la perpétuation des rapports de domination entre groupes humains, sur les animaux et la nature.

Dans plusieurs pays, un mouvement de grève de l’école a démarré dans les pas de Greta Thunberg, jeune Suédoise de 16 ans qui a commencé une grève pour le climat en août 2018 et qui la poursuit aujourd’hui, entraînant des dizaines de milliers de jeunes de sa génération de par le monde.

Lors de la marche pour le climat, le 8 septembre 2018, à Paris.

À Paris, des étudiants ont décidé de mener des actions de désobéissance civile pour l’environnement chaque vendredi à partir du 15 février. Dans leur Manifeste, ils lancent un ultimatum au gouvernement et présentent des initiatives citoyennes à mettre en place, avec un grand rendez-vous pour la grève mondiale des écoliers et étudiants le 15 mars.

Cette grève scolaire est soutenue par des enseignants en Belgique et en France : « Tout se passe dans l’Éducation Nationale comme si rien ne se passait sur Terre », constatent-ils. « Le printemps 2019 sera l’une de nos dernières chances d’agir : d’ores et déjà, nous appelons tou.te.s nos collègues [...] à participer à la grève internationale des étudiant.e.s et des lycéen.ne.s le 15 mars prochain et à reconduire le mouvement jusqu’à obtenir les changements profonds qui s’imposent. »

Que partout, dans les assemblées citoyennes, les mobilisations, les établissements, les grands débats et autres espaces collectifs, on discute des manières d’apprendre et de désapprendre, du sens de l’éducation, des droits des enfants et des adolescents. Et surtout, qu’on agisse avec eux, en tant qu’humains intelligents et responsables, égaux en dignité et en droits, embarqués avec nous sur la même planète et faisant face aux mêmes défis.

À nos gilets jeunes !




Photos : © Fanny Dollberg/Reporterre sauf chapô : manifestation de jeunes pour le climat, le 31 janvier 2019, à Bruxelles. © Mathilde Dorcadie/Reporterre

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