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Chronique : La Bergère des Corbières #6

Naissance

Elle aurait dû être prof de gym, elle sera calligraphe dans le Gers, durant treize ans. Puis en 2007, Florence Robert choisit une vie au contact des animaux et de la nature. Elle devient alors bergère et crée la Ferme des Belles Garrigues à Albas, dans l’Aude. Parallèlement à son activité agricole, elle écrit. En préparation, un livre autour du sort réservé aux orangs-outans et aux forêts primaires dans le monde…



Crédit : La Volpiliere

Il est huit heures du soir, le troupeau et le berger sont rentrés il y a une heure et demi, les brebis sont déjà couchées et ruminent tranquillement. 50019 (c’est comme ça qu’on les appelle, à l’exception de quelques-unes auxquelles on donne des prénoms) a fait un cercle vide autour d'elle, elle tourne et retourne, se couche et se relève. Elle se prépare, mais à des signes que je ne sais pas décrire, je sens que cette mise bas ne sera pas facile. Et en effet, il faut beaucoup de temps avant que les premiers onglons apparaissent. Ils me semblent bien gros. Rapidement, je vérifie que la tête est bien là, posée sur les pattes avant. Oui, pas de problème, mais il est vraiment gros cet agneau à venir. Les contractions sont violentes et jettent la brebis au sol. Je lui donne à lécher son liquide amniotique qui s'écoule, en me rappelant les mots du berger qui m'a formée : — C'est le liquide qui leur donne du courage. 50019 lèche mes doigts distraitement d'abord, puis consciencieusement : ce liquide déclenche la sécrétion de l'ocytocine en grande quantité. L’ocytocine est l'hormone de l'instinct maternelle, de l'amour, du lien social et du bien-être... Voilà la brebis qui appelle son agneau pas encore né de ce petit bêlement caractéristique, chevroté, très joli.

Assise sur les talons, les genoux plantés dans la paille, j'accompagne ma brebis dans l'effort en bloquant son pied arrière contre ma cuisse pour donner plus de force à ses contractions. La vulve est rouge foncée, tendue. Il faut attendre que la dilatation soit plus complète. Elle se relève soudainement après une contraction plus violente et, croyant sans doute avoir expulsé son agneau, vient droit sur moi avec l'intention de me lécher le visage, toute excitée. Je suis obligée de lui expliquer que non, ce n'est pas moi son agneau. Jérôme le berger qui a assisté à la scène rit tout comme moi. Une autre contraction et 50019 se recouche. La tête de l’agneau est engagée jusqu'au milieu du museau. Ce sont les arcades sourcilières qui posent problème. La petite langue bleuit. Je décide d'intervenir, et passe ma main derrière la nuque de l'agneau, ce qui a pour effet d’accélérer les contractions.

Quelques efforts encore et ça y est, la tête est dehors. Je dégage les oreilles, tire les deux pattes avant l'une après l'autre et sort l'agneau tout à fait en faisant passer les hanches doucement, en lui appuyant sur le ventre. À peine sorti, il appelle déjà sa mère d'un geignement presque inaudible. Sa mère répond immédiatement, inquiète et pleine d'envie. C'est tellement joli ces premiers mots-moutons.

Dans quelques dizaines de minutes il sera debout et fera sa première tétée...

L'ocytocine n'a pas d'effet que sur les brebis. La bergère que je suis, comme beaucoup d'autres éleveurs, bénéficie pendant tout l'agnelage d'une énergie physique et psychique nouvelle, d'une joie intense à assister quotidiennement au miracle, simple, beau, magique, de la naissance d'êtres neufs et déjà si aptes.

Crédit : Dicimeme.bzh

Commentaires

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c'est tout a fait ça! l'agnelage ,les agneaux et les brebis, la vie , c'est magique. et tu l'a merveilleusement traduit en quelques mots .
félicitations a la maman et a toi.

Bonjour,
Oui c'est très beau ce récit. Mais la question que je me pose : et, après la naissance, ces agneaux finissent leur vie où, comment ? Merci pour votre réponse, et bon courage.