Mon autoroute en carton
Ingénieure agronome de formation, Clémentine Lebon a co-écrit avec Olivier Le Naire Le Revenu de base, paru début 2017. Elle a depuis acheté avec son mari, Valérian, une longère en pierre qu’ils rénovent pour pouvoir y vivre, produire leur nourriture et proposer des animations sur l’agriculture et l’alimentation. C’est le "Projet Valentine", dont elle va nous conter l’aventure en marchant…
Clémentine à sa formation « Appréhender les freins aux changements pour accompagner les agriculteurs »
En relisant mes chroniques, ou bien en m’entendant parler parfois aux autres, je me donne l’impression d’avoir plutôt bien balisé le chemin. D’avoir réfléchi aux valeurs qui me guident, de savoir où je veux aller, ce qui compte pour moi. D’avoir osé partir à l’aventure plusieurs fois (mais toujours avec des filets de sécurité, je ne suis pas une grande téméraire non plus !) Je pense même me connaître assez bien. Alors quand je parle de l’Effet Valentine, de ce projet de lieu de vie, d’accueil, d’ateliers cuisine, qui devrait arriver dans un futur assez proche, j’ai l’impression d’y croire. D’être confiante. Voire déterminée. Je suis sur le bord d’une autoroute, le moteur qui vrombit. J’attends que la barrière se lève pour foncer.
Mais au fait, elle se lève quand la barrière ? Qui est-ce qui la lève ? Qu’est-ce que je fais derrière ? Et si mon autoroute, c’était du carton ?
Cette barrière, ça fait un bout de temps qu’elle est là et même un bout de temps que je devine qu’elle est là. Sinon pourquoi aurais-je débuté un nouveau travail salarié en novembre, au lieu de lancer mes cours de cuisine ? Mais c’est seulement très récemment que cela m’est apparu clairement. Il y a quinze jours, j’ai participé à une formation "Appréhender les freins aux changements pour accompagner les agriculteurs". L’objectif ? Être capable d’accompagner des paysans pour identifier les points de blocage, dénouer des situations complexes, expliciter les non-dits. Aider les personnes à se projeter dans l’idéal, au-delà des barrières qu’ils se mettent souvent eux-mêmes, pour mieux identifier les leviers par la suite…
Le plancher du grenier, résultat des travaux du mois précédent
Oui oui, j’ai compris. J’ai même appris plein de choses. La puissance de cette approche m’a complètement fascinée. Mon cerveau s’est mis à tourner à toute allure, à ouvrir des portes et des portes jusqu’à… ce qu’il s’arrête sur cette fameuse barrière, ma peur, mon « frein au changement » à moi. Facile ! Avec ma nouvelle formation, je vais te lever ça en moins de deux ! Étape 1 : expliquer la situation. Étape 2 : se projeter dans l’idéal : "Dans 10 ans, si jamais je suis…" Non pas ça. Vraiment dans l’idéal, là où on ne parle plus avec des "si". "Oui mais…". Non, pas avec des "mais" non plus…
C’est trop dur ! Plus j’essaye de lever mes peurs, plus j’y pense, et plus elles grossissent. Je ne comprends toujours pas pourquoi je ne la franchis pas cette barrière, pourquoi maintenant que tout est sur le papier je ne me lance pas à la créer cette activité. Je n’arrive pas à poser les bonnes questions. Elles m’embêtent ! Bin oui, c’est normal. Décidément, je crois que je n’arriverai pas à lever mes fameux “freins au changement” toute seule. Sur ce coup-là, il va falloir trouver de l’aide et des amis patients, ceux qui vont me poser avec bienveillance les questions qui font mal, celles que je n’ose pas aller soulever. Pour que tout cela devienne plus robuste, plus serein, que je me lance enfin pour de vrai dans l’étape d’après, que je monte ces fameux cours de cuisine, même si ça doit se faire ailleurs que sur mon lieu pour les premières années.
Il y a encore du chemin, mais je m’entends toujours parler en public de ce projet au futur et non au conditionnel. C’est que je ne dois pas en être si loin après tout !
Clémentine, Saint Nolff le 13 juin 2018
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