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Chronique "L’Effet Valentine" #5

Merci Jacques !


Ingénieure agronome de formation, Clémentine Lebon a co-écrit avec Olivier Le Naire Le Revenu de base, paru début 2017. Elle a depuis acheté avec son mari, Valérian, une longère en pierre qu’ils rénovent pour pouvoir y vivre, produire leur nourriture et proposer des animations sur l’agriculture et l’alimentation. C’est le "Projet Valentine", dont elle va nous conter l’aventure en marchant…



Clémentine et Valérian, travaillant à la rédaction de leur livre, Champs libres

Ma chronique d’aujourd’hui était déjà prévue depuis quelques semaines : une histoire abracadabrante et une mise en abîme fantastique autour du presse-purée. J’avais quelques tournures bien senties en tête et j’en riais déjà ! Et puis hier soir, j’ai reçu une lettre de Jacques, 80 ans, et j’ai compris que je tenais là mon véritable sujet de chronique.

Mardi soir, -7°C, je rentre du boulot plus tôt pour être à 18h pétante devant notre future maison pour un rendez-vous avec le couvreur… qui a trente minutes de retard ! Les pieds congelés, les mains tétanisées, je ne sais plus quoi faire pour me réchauffer (si seulement j’étais un peu moins écolo-bornée, je resterais dans la voiture à faire tourner le moteur). Alors, pour m’occuper, je vais ouvrir la boîte aux lettres que nous avons plantée devant la maison pour recevoir les factures d’Enedis, qui n’a toujours pas compris que nous n'habitions encore pas là. Et c’est là que je découvre un petit paquet bien emballé avec dessus mon nom et mon adresse écrits en rose. Le premier vrai courrier que nous recevons ! Je l’ouvre pour en sortir un feuillet d’une page tapé à la machine, mais signé à la main d’une belle écriture, accompagné d’un petit livre : « Le potager, école d’humanité ».

Cette lettre et cet ouvrage ont été écrits par Jacques, un retraité que j’ai rencontré voilà un mois, lors d’une journée que j’ai animée sur le revenu de base. A la fin de l’après-midi, il s’est rendu au stand librairie organisé pour l’occasion et a acheté mon livre Le revenu de base, mais aussi et surtout celui que nous avons écrit avec Valérian sur notre voyage « initiatique » (dans le sens où il a été le début d’un cheminement pour nous) en Amérique du Nord : Champs libres. Puis il s’est approché de moi et m’a demandé mon adresse postale pour me faire un retour sur sa lecture. Très touchée par cette journée et les dizaines de rencontres que j’y ai faites, je suis repartie ravie et émue. Puis la vie a repris son cours (assez tumultueux, je dois le dire !) et Jacques est sorti de ma tête.

Pourtant, hier soir, j’ai reçu dans ma boîte aux lettres l’une des plus belles lettres que l’on m’ait jamais écrite. Jacques m’y parle de moi, et même de Valérian et moi, de ce qui le touche chez nous, comme s’il nous connaissait depuis toujours. Il parle aussi de lui, de cette part de lui qu’il a retrouvée dans notre livre, comme si nous l’avions transporté 50 ou 60 ans en arrière. « […] les humains ne communient pas entre eux par le contexte, mais par l’esprit qui les conduit intérieurement ». Cette phrase résonne en moi, si bien que j’en ai les larmes aux yeux. Je me sens tout d’un coup très proche de ce vieux monsieur que je ne connais pas. Grâce à notre livre, j’ai l’impression que nous sommes devenus intimes. Je suis fière d’avoir fait vibrer à nouveau en lui ces valeurs qui le portent aujourd’hui et l’ont porté toute sa vie. Et je suis fière aussi de me dire que je prends la suite, qu’il se reconnaît en moi. Fière qu’il ait pris du temps pour partager cela avec moi. Je sens qu’il a vu et pris le meilleur de moi, et qu’en retour, il me fait ce cadeau, il me donne à voir ce qu’il y a de plus beau en lui. 

Je crois que c’est pour des moments comme celui-là, des moments où l’on se sent profondément humains et plein de foi les uns envers les autres que je veux monter notre lieu, l’ « Effet Valentine ». Faire du bien, sortir ce que nous avons de bon en nous, créer de la joie, de l’envie, de l’espoir, provoquer la rencontre, le partage. Non pas créer un monde utopique parfait, mais donner l’occasion de voler des instants uniques, précieux qui pourront nous accompagner pour la suite.

Merci Jacques pour cette petite leçon de philosophie !

Clémentine, Saint Nolff, le 28 février 2018

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