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Ysée Parmentier, collégienne en grève et en liberté

Ysée Parmentier a 14 ans. Elle est élève en classe de troisième au collège Antonin Perbosc à Lafrançaise, dans le Tarn-et-Garonne. Depuis janvier, tous les vendredis, elle fait grève à sa manière pour exiger du monde qui l'entoure de prendre ses responsabilités face au réchauffement climatique et à la destruction des écosystèmes. Ysée est une jeune fille éprise de liberté et bien dans ses baskets ! Mais elle ne veut pas de ce monde-là. Sans être paniquée, elle sent l'urgence - et aspire, avec toutes et tous, à changer les choses en profondeur.

Avec les jeunes du monde entier, la grève du vendredi


- Nous t'avons vue dans la rue et dans les médias ces dernières semaines... Comment a commencé ton engagement ?

Cette année, pour la première fois, on m'a dit : "il faut que tu choisisses un lycée en prévision du métier que tu feras". Alors, tout s'est effondré. J'ai commencé à broyer du noir, j'étais comme bloquée : avoir un métier me semblait complètement dérisoire ! Dans ma tête, il était clair qu'il n'y aurait pas de planète sur laquelle l'exercer. Et s'il y avait toujours une planète, tout aurait tant changé que les métiers que nous connaissons aujourd'hui ne seraient plus les mêmes. Je me suis peu à peu renfermée sur moi-même, je ne voyais aucune issue.

Et puis un jour, ma mère m'a montré la vidéo du discours à la COP24 de Greta Thunberg [une Suédoise de 16 ans qui a fait un sitting devant le Parlement de son pays pendant plusieurs mois, pour protester contre l'inaction des dirigeants contre les dérèglements climatiques, NDLR]. Tout s'est éclairci, j'ai enfin vu une voie se dessiner. Plutôt que de "me choisir un métier", je pouvais, ado comme elle, tout faire pour essayer de changer les choses. 



- Comment t'y es-tu prise exactement ?

J'ai écrit un mot à destination de la principale du collège en lui disant que désormais, je viendrai en cours les vendredis sans mes affaires pour travailler, sans faire mes exercices etc. Et qu'en faisant cela, j'entendais marquer mon engagement aux yeux de tous, pour la protection de notre planète. La principale m'a dit de mettre ça de côté. Qu'on allait plutôt réfléchir ensemble à un moyen de faire quelque chose d'autre, comme mettre en place des initiatives écologiques dans le collège.

Aujourd'hui, je ne fais plus la grève en tant que telle. D'abord pour ne pas me faire exclure ! mais aussi parce que ce n'était pas mon but de faire grève, je voulais choquer pour que l'on soit obligé de m'écouter. Je viens donc tous les vendredis avec un brassard sur lequel est écrit "Friday for Climate"

- Quel écho ton action a-t-elle auprès de tes camarades et professeurs ?

Les professeurs n'y prêtent pas trop attention. Quant aux élèves, certains s'en moquent, d'autres viennent me poser des questions et quelques-uns me demandent le même brassard pour le porter à leur tour. Aujourd'hui, nous sommes une dizaine à l'arborer au collège !

Beaucoup d'élèves ne savent pas du tout ce qu'est l'écologie."T'es écolo ? Ça veut dire que tu te douches pas et que tu vis dans le noir ?"

Mais je ne compte pas m'arrêter là. Je suis en train d'organiser des interventions au sein de l'établissement. Des organisations locales viendront parler aux jeunes pour expliquer, sensibiliser et donner envie de s'impliquer, y compris par des jeux. Je fais ça parce que je me suis rendu compte que beaucoup d'élèves ne savaient pas du tout ce qu'était l'écologie. Certains m'ont dit : "T'es écolo ? Ça veut dire que tu te douches pas et que tu vis dans le noir ?"

Les jeunes, le climat et les médias


- Ce mouvement des jeunes pour le climat est très fortement personnalisé, notamment via la figure de Greta Thunberg. Qu'en penses-tu ?

Je pars du principe que, peu importe l'identité de la personne et la façon dont elle s'y prend, tant que le message qu'elle fait passer va dans le sens de la planète, ça vaut le coup. La personnalisation, les guerres d'ego... tout cela peut arriver mais je m'en moque, tant que les choses bougent.

- Toi-même, tu commences à être médiatisée : comment le vis-tu ?

Le fait d'être beaucoup sollicitée par des journalistes est fatigant. J'ai même dû faire une pause pendant un moment. Ce qui est pénible aussi, c'est de souvent voir mes paroles déformées. Mais une fois encore, si la médiatisation est nécessaire pour toucher un maximum de personnes, et je crois que ça l'est, alors je suis prête à jouer le jeu.

Le fait d'être beaucoup sollicitée par des journalistes est fatigant. Mais si la médiatisation est nécessaire pour toucher un maximum de personnes, je suis prête à jouer le jeu.

Au départ, les copains du collège se sont enthousiasmés de cette visibilité. "Ouahh t'es passée à la télé !" mais ils sont davantage touchés par la forme que par la cause...

- On a l'impression que les femmes sont surreprésentées dans ce mouvement. Tu as le même sentiment ? Si oui, comment l'expliques-tu ?

C'est vrai, dans notre génération, il y a plus de filles concernées par les enjeux climatiques. Je me dit que cela peut s'expliquer par le fait que les garçons sont moins matures que les filles à cet âge. Car je suis allée dans quelques réunions avec de jeunes adultes, où il y avait davantage de parité.

- Comme souvent, la mobilisation des jeunes est largement partie des réseaux sociaux. Pourtant, toi, tu en sembles plutôt absente...

Oui. À vrai dire, ce n'est pas vraiment par choix. C'est tout simplement que j'ai du mal avec ces outils. Et puis ça prend beaucoup de temps ! Il m'arrive de les utiliser pour des questions pratiques, comme parler à des amis qui sont loin. Autrement, je n'arrive pas à m'y intéresser. Mon temps libre, je le passe avec ma famille ou à lire des mangas. On a aussi une maison qu'on est en train de rénover de manière écologique, en terre et paille. Je participe aux travaux de temps en temps. 

Pouvoir vivre libre


- Quel lien entretiens-tu avec la nature ?

Là où j'habite, il n'y a pas beaucoup de grandes forêts publiques. On a un bout de jardin, mais c'est vraiment petit. Pourtant, ce que je préfère c'est la forêt, la vraie, la sauvage, avec de la vie dedans. J'y vais autant que je peux. 

"Cette image de forêt me plait car, malgré son désordre, elle reste magnifique, lumineuse et elle me donne envie d'y aller. Elle est sauvage et je pense que c'est ça qui m'attire le plus ; elle n'a pas été déformée pas l'homme : il n'y a aucun chemin, aucune indication, aucune restriction à la circulation contrairement au villes ou même à certaines forêt. Pour résumer, elle est naturelle !" 

- À quoi ressemblerait le monde dans lequel tu aimerais vivre demain ? 

Ce que je souhaite le plus fort, c'est de vivre libre. Pour moi, en France, il n'y a pas de vraie liberté. L'argent nous contraint pour tout. Alors le monde de demain, celui dans lequel je pourrais être véritablement libre, ressemblerait à une société de partage et de troc. Qui respecte tous les hommes et toute la nature. C'est un peu l'image que je me fais de certains endroits comme les ZAD ou les écovillages...

- Au fond, quelles émotions t'inspirent ce monde qui t'entoure ? 

Cette question me fait penser aux paroles de Michel Berger dans "Si maman si" : "Je pleure comme je ris". Oui je crois que je peux dire ça : je pleure comme je ris. Une grande partie du réel me désespère. Cependant, je garde et veux garder de la joie et de l'espoir. Et de toute façon, on ne changera pas le monde en étant déprimé... mais en rigolant bien fort !


Colibris est allé à la rencontre de jeunes mobilisés pour le climat... 


« Grâce à Greta, la question climatique change de visage et devient cool. Et puis même, au-delà de la cause, c’est sa méthode qui nous inspire. À notre âge, on a l’impression que personne ne nous écoute et qu’on peut rien faire. Mais elle nous montre que si. Elle nous donne des ailes. »  Héléna,  lycéenne en seconde à Paris.

« Je veux en faire mon métier maintenant. On s’est rendu compte que c’est nous qui allions être aux premières loges des catastrophes. » Zazie, lycéenne en troisième à Paris.

"J'ai été bénévole dans un groupe local Colibris pendant plusieurs années. Par les actions menées, on est dans le FAIRE. Manifester c’est exiger des « politiques » qu’ils orientent l'action publique... je qualifierais plus cela de FAIRE-FAIRE. Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Ces engagements ont un lien dans le sens où chacun d’eux est une condition nécessaire au changement de société mais n’est pas une condition suffisante." Erwan, 24 ans, ingénieur spécialisé dans l’environnement et les questions énergétiques.

« Je n’ai pas peur, je ne suis pas angoissée… peut-être parce que je  pense qu’il est encore possible de sauver cette planète. Peut-être aussi parce qu’on quotidien, on ne se rend pas vraiment compte de l’ampleur du désastre ». Nina, collégienne en cinquième à Paris


Crédit photos

Ysée Parmentier : ©Photo Grimault pour Phosphore
Forêt  : ©Guillaume Brocker

Commentaires

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Bravo à Ysee.
Malgré mon âge je pense exactement comme elle , je pense par exemple à sa réflexion sur la forêt sauvage vivante et "libre" où j'aime tant aller moi aussi.
Peu de ma génération me comprennent mais les jeunes eux sont formidables .

Magnifiques témoignages!
A l'heure où nous lisons qu'en France une proposition de travailler un 2ème jour gratuitement pour aider les personnes âgées et les handicapés (!) je lis juste après ce témoignage bouleversant de Greta ( quelle mâturité et courage avec tant de simplicité) puis celui d'Ysée et j'en ai les larmes aux yeux. Merci les jeunes c'est par vous que le monde va évoluer et la société se transformer. je vous soutiens de tout mon coeur et vous accompagne comme je le peux au quotidien moi qui suis grand-mère et révoltée de ce que nous vous proposons comme modèle de vie....

Bravo, Ysée ! c'est beau à voir, ton engagement, ta prise de conscience, et ta jeunesse ! Continue !

Le discours de Greta marque le début d'un mouvement formidable qui va bouleverser le monde. Il est à la hauteur, et de la même intensité indiscutable, que les discours initiaux de Martin Luther King ("J'ai fait un rêve...") et de Nelson Mandela pour la cause des Noirs, de Gandhi pour la libération de l'Inde, de Lénine pour la chute du tsarisme, etc. Ces discours ne sont pas les causes des bouleversements incroyables qui ont suivi, mais des marqueurs d'un ras-le-bol et d'une souffrance inouïs. Le discours de Greta est un de ces marqueurs historiques. Merci à Ysée.

Bravo à tous ces jeunes, que ce soit Ysée, Greta, Severn Suzuki (qui déjà en 1992 tirait la sonnette d'alarme), pour leur engagement, leur courage et leur volonté. J'ai longtemps soutenu Greenpeace et bien d'autres associations de protection de l'Environnement. Je continue de signer des pétitions et j'essaie de vivre de manière plus "durable" mais sans doute n'Est-ce pas encore suffisant et ma génération n'a-t-elle pas été assez loin, assez tenace voire pugnace pour arrêter ce "massacre". Il est encore temps de réagir, en tous cas j'en suis convaincu. Et je vous félicite pour cette prise de conscience et cette volonté de changer les choses que bien des adultes sont incapables seulement d'envisager. Merci. Très respectueusement.

Une anémie me met par terre. Me voici dans ma 87e année, consciente du problème depuis 2065 et engagée depuis 2070. Une cause de l'anémie peut être le désespoir face au peu de résultat d'une longue bataille. Et là, tout à coup... Vous avez raison vous enfants, jeunes... Je me suis toujours battue pour vous. Vous prenez le destin de cette magnifique maison Terre, votre destin en main. Quel bonheur !

bravo oui bravo à toute cette jeunesse éveillée et responsable. nous les adultes on devrait avoir honte de notre inertie. Qu'attendons-nous pour agir ? Quelle mollesse de notre part ! Notre planète hurle et nous ne l'entendons pas. Je suis âgée mais je suis de tout coeur avec toutes celles et ceux qui se bougent. Je fais tout ce que je peux pour être une citoyenne responsable.

Merci d'oser dire l’essentiel, les êtres humains ayant en commun cette terre comme seul refuge à habiter. Déjà trop polluée, alors que nos cellules ont besoin d’un air et d’une eau moins toxiques pour rester saines. J'ai aussi donné de mon temps, pour que ces choses bougent. Au "perchoir", rien ne change: surdité, dénigrement, mépris, langue de bois. Comme la terre a besoin d'actes accomplis de manière responsable et permettant des résultats, j'ai décidé depuis quelques années que je ne recommencerai à voter qu'à partir de là, malgré les risques d’une telle posture que je n’ignore pas.
A travers les mots de Ysée ou de Greta, je vois arriver une génération lucide sur la question d'un avenir plus joyeux que celui de la "survie de l'espèce". Alors il y a de l’espoir.