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Dossier "Vers un numérique éthique"


Ordinateurs, smartphones, objets connectés... Nous baignons aujourd’hui dans un univers numérique. Et ce ne serait pas prêt de s’arrêter. Les Gafam occidentaux et les BATX* chinois mettent toute leur puissance dans la numérisation à marche forcée de nos sociétés. Puissance financière, mais aussi – plus insidieuse – culturelle, via un marketing vantant plus de confort, plus de connaissance, plus de liens, plus de plaisir, plus de divertissement... Hélas, la réalité est toute autre. On ne peut plus ignorer leur empreinte écologique du numérique, de plus en plus insoutenable, l’extraction minière massive, la consommation énergétique en croissance folle…
Alors, tout est à jeter dans le numérique ? D’autres voies sont possibles, faites de durabilité, de sobriété, de choix démocratique et « d’empuissancement » des personnes et des collectifs. Et, vous le verrez dans ce dossier, le Mouvement Colibris y contribue, à son échelle, depuis plusieurs années : développement de services numériques libres, formations en ligne, participation à l'écosystème libriste, etc.



Les promoteurs de la numérisation de nos vies trouvent bien peu d’obstacles sur leur chemin. Les politiques semblent bien plus occupés à aller chercher de la croissance là où elle existe encore – 7 % seraient attendus en France en 2022 pour le secteur du numérique** –, à craindre la perte de compétitivité, et à investir tête baissée dans tout ce qui est « smart » (5G, smart city, robotique, génétique…), qu’à réfléchir et agir pour le bien commun.

La population est elle aussi en grande partie réceptive aux chants mélodieux de ces sirènes modernes. Et, si les bénéfices sont immédiats – de belles machines et des logiciels ergonomiques qui nous simplifient la vie –, les conséquences sont bien lointaines. D’un côté, l’extraction minière et la fabrication s’effectuent à l’autre bout du monde, et leur cortège de dévastations écologiques, de maladies environnementales, et d’exploitation humaine peinent à arriver à nos oreilles… De l’autre, on s’accommode de la mainmise des multinationales sur notre vie privée et nos données : on fait défiler rapidement les CGU [Conditions Générales d’Utilisation] de tel nouveau service, on accepte tous les cookies (même venant d’un inconnu), et puis, on n’a pas grand-chose à cacher, en fin de compte...

Mais les associations, les chercheurs, commencent à émettre des critiques de plus en plus alarmistes face à ce « progrès » longtemps considéré comme inéluctable. Et nous montrent que plusieurs voies sont possibles. 

Adoptons une posture « technocritique » !

Soit nous acceptons ce que nous proposent – ou plutôt nous imposent, sous peine de passer pour des Amish ! – les promoteurs de l’ultratechnologie. Nous pouvons fermer les yeux sur tout ce qui mène au ravage de la planète et de ses habitants. « Dormez, braves gens, nous trouverons toujours des solutions techniques aux problèmes causés par notre système technique... Et au cas où ça ne marche pas, eh bien ! on a un plan B : direction Mars ! »

Ah, Mars ! Son air pur, sa côte sauvage...

Soit nous adoptons une posture résolument « technocritique ». Nous revendiquons un numérique compatible avec une vie harmonieuse des humains et des autres formes de vie, dans des écosystèmes en bonne santé. Et non l’inverse... Le Mouvement Colibris opte pour cette deuxième option. Depuis cinq ans maintenant, nous interrogeons nos usages du numérique, et tentons d’aller vers plus de sobriété et de cohérence dans le choix de nos outils de collaboration, d’apprentissage en ligne, de soutien aux projets...

Nous coopérons dans un écosystème d'acteurs du logiciel libre (plus d'info sur ce qu'est un logiciel libre dans cet entretien avec Pierre-Yves Gosset, directeur de Framasoft). En particulier, nous faisons partie du Collectif Chatons (Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires), et nous siégeons au conseil d'administration de l'Assemblée Virtuelle. Nous développons et hébergeons des services numériques libres qui respectent votre vie privée ; des formations à ces outils ; changements de pratiques aussi, en interne, matériel, systèmes d’exploitation, logiciels... Et vous vous appropriez ces outils ! En 2021, vous avez utilisé près de 20 000 pads,  plus de 700 wikis, vous avez été 3500 usagers de la messagerie...

Nous proposons régulièrement une formation en ligne pour les organisations sur les outils numériques qui respectent vos données et favorisent la coopération : « Créer un projet collectif : méthodes et outils éthiques ». Elle dure 8 semaines. Rendez-vous sur le site de l'Université des colibris pour les prochaines dates ! (cette formation est payante, mais peut être prise en charge). Cette formation se décline aussi pour le grand public, dans le parcours « Des outils libres pour vos projets collectifs ». C’est gratuit et ouvert à tous !

Les dessous des serveurs de Colibris : coopération inter-espèce, faible empreinte carbone

Nous vous invitons aussi à visionner le webinaire « Vers un numérique aliénant ou émancipateur ? », qui s'est déroulé en ligne le 22 février dernier. Vous serez en compagnie de Marie-Cécile Godwin, designer « pour un numérique accessible, résilient et émancipateur », Christelle Gilabert, journaliste indépendante, spécialisée climat, écologie et technocritique, et Jérémy Collot, un des geeks du Mouvement Colibris. Le premier webinaire, « Les GAFAM surfent sur le libre : victoire ou récup' ? », est également disponible.

Mentionnons aussi le projet Clic!, qui vise à essaimer des pratiques numériques coopératives, solidaires et émancipatrices. Nous voulons contribuer à la réduction des inégalités d’accès aux savoirs, en proposant un serveur web « clé en main » qui donne accès à des services libres et collaboratifs et à des contenus pédagogiques dans tous les domaines de la transition écologique et solidaire. Installable sur tous types d’ordinateur, cet outil permettra le réemploi des vieux ordinateurs (ordinosaures) et la réduction des déchets informatiques.

Les colibris Florian et Laurent en mode shopping à la Ressourcerie du Pont (Le Vigan, Gard) 

La voie n’est certes pas aisée. Elle nous demande de remettre en question nos pratiques, de changer nos réflexes d’utilisateurs passifs, pour reconquérir notre liberté, participer à créer un modèle soutenable, et devenir réellement acteurs de la partie numérique de notre vie.

Dans ce dossier vous découvrirez :

- Le webinaire « Les GAFAM surfent sur le libre : victoire ou récup' ? »
- le webinaire « Vers un numérique aliénant ou émancipateur ? »
- La formation « Créer un projet collectif : méthodes et outils éthiques »
- Le Projet Clic! pour installer simplement un serveur libre sur tous types de machines.
- "Les logiciels libres : un moyen de passer de la société de la consommation à la société de la contribution", entretien avec Pierre-Yves Gosset, directeur de Framasoft.


Alors, Néo, pilule bleue ou pilule rouge ?***

Pour aller + loin

- Le site Outils libres, où vous pourrez créer documents partagés, sondages en ligne, URL raccourcies, tableaux de post-it virtuels, visio, tchats, des wikis, et même des cartes collaboratives.

-  La formation « Créer un projet collectif : méthodes et outils éthiques » de l'Université des Colibris pour les organisations.

- Le parcours « Des outils libres pour vos projets collectifs », en libre accès sur le site de l'Université des Colibris.

Sur la Boutique des colibris :

- Utopie du logiciel libre, de Sébastien Broca, éditions Le passager clandestin.
Né dans les années 1980 de la révolte de hackers contre la privatisation du code informatique, le mouvement du logiciel libre a peu à peu diffusé ses valeurs et ses pratiques à d’autres domaines, dessinant une véritable « utopie concrète »...

- L'enfer numérique, de Guillaume Pitron, éditions Les Liens Qui Libèrent.
Trois ans après sa formidable enquête sur les dessous des énergies vertes, "La guerre des métaux rares", Guillaume Pitron nous propose une enquête fascinante qui interroge le coût matériel du virtuel

- Métacartes Numérique éthique,
60 cartes pour se réapproprier le numérique. Chaque carte comporte au verso un lien Internet et un QR code qui renvoient vers une fiche en ligne actualisée et enrichie consultable par ordinateur ou ordiphone. L’ensemble des contenus en ligne est mis à disposition sous licence CC-BY-SA pour être librement réutilisable.

- Tendre vers la sobriété numérique, de Frédéric Bordage (Auteur) et Marie Morelle (Illustrations), éditions Actes Sud.
L’enjeu de la sobriété numérique consiste à adopter une hygiène quotidienne : ne pas céder aux sirènes du tout technologique, privilégier le reconditionné, acheter des équipements durables et réparables, maîtriser ses usages, etc. Faire évoluer nos habitudes est plus simple et rapide qu’il n’y paraît. Suivez le guide !

- Vers un numérique responsable, de Vincent Courboulay, éditions Actes Sud.
Derrière une image immatérielle, la révolution majeure qu'est le numérique a un impact considérable tant sur l’environnement qu’au niveau social. Pour l’auteur, repenser nos usages est une nécessité démocratique, environnementale, sociale, sociétale, autant dans notre relation à l’autre qu’à soi.

- Kaizen Hors-Série Numérique responsable.
L'informatique peut elle être écologique ? Ce Kaizen hors-série explore les problèmes et les solutions engendrés par le numérique.


Crédits photos :

Nuit étoilée : Johnson Wang (licence libre)
Mars : Jake Young (licence libre)
Ressourcerie : 12b Fabrice Bellamy (licence CC BY SA)


* BATX, pour Baidu Alibaba Tencent Xiaomi. Baidu est le Google chinois ; Alibaba l'équivalent d'Amazon ; Tencent le réseau social qui remplace à la fois Facebook, Twitter, Instagram, Paypal, et WhatsApp ; et Xiaomi, le 2e constructeur de smartphones, derrière Samsung et devant Apple.

** "Bilan 2021 et perspectives 2022 du secteur numérique", Godefroy de Bentzmann et Pierre-Marie Lehucher, numeum.fr 

*** Référence au film Matrix, des Wachowski. La pilule rouge représente le choix d'apprendre une vérité potentiellement dérangeante mais libératrice, et la pilule bleue celui de rester dans une ignorance satisfaisante.

Commentaires

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Bonjour, oui j'ai une interrogation à la lecture de votre article qui met en avant dans un premier temps la catastrophe écologique de la numérisation de la société mais qui me semble-t-il n'y répond pas vraiment. Votre action est certes très utile en proposant de se "libérer" des Gafam, mais en quoi votre action colibri va réduire l'impact sur la planète, sur l'extraction minière, les dévastations écologiques et exploitations humaines? Je n'ai peut-être pas bien tout compris.

Merci Isabelle pour votre retour. Le projet Clic! est une première expérimentation pour réduire l'impact écologique du numérique. En développant des systèmes moins gourmands en ressources, nous pouvons les faire fonctionner sur des machines plus anciennes (et donc favoriser le réemploi de machines obsolètes, limitant ainsi la fabrication de machines neuves) ou plus petites (comme les Raspberry Pi, qui sont plus légers, et nécessitent donc moins de matière). Je vous invite à participer au webinaire mardi prochain, où nous tenterons de traiter la question ! https://colibris.cc/forms/?WebinaireOL2 Cordialement, Gregory / Colibris