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Le grand FLOP26 !


« Une COP26 pour rien » ? « Un gâchis » ? La grand messe de Glasgow, en Écosse, sur le climat a surtout accouché de belles promesses. Celles d’abandonner les investissements carbonés, mais sans engagements fermes, ni toujours datés et précis. Ces petits pas incertains des puissances polluantes du globe, au lieu du grand bond écologique indispensable, laissent les peuples des pays insulaires et vulnérables seuls, ou presque, face aux catastrophes climatiques. Bad COP !


Elle était présentée comme le Sommet de la dernière chance pour rester dans les clous de l'Accord de Paris et limiter la poussée du thermomètre planétaire à +1,5°C (par rapport à l'ère préindustrielle). Et bien, c’est encore raté ! La somme des engagements annoncés à Glasgow, dans la douleur, par les 196 membres de la 26ème conférence des parties (COP26) des Nations unies sur les changements climatiques met la Terre sur une trajectoire de +2,4°C  d’ici la fin du siècle ! Et encore si toutes les promesses faites par les Parties (États et Union européenne) pour 2030 sont tenues. Le Climate Action Tracker, un consortium scientifique indépendant qui analyse les données des États, relève un scénario plus optimiste, à +1,8°C. Mais pour y parvenir, il faudrait entre autres que toutes les annonces de neutralité carbone soient remplies. Or, la plupart des gouvernements (94%) n'ont pas assorti cette promesse de plan concret pour y parvenir. Alors oui, le président britannique de la COP26, Alok Sharma, en larmes au moment de clore le sommet, pouvait se montrer « profondément désolé »… 

Des larmes qui font écho à la magnifique détermination de Francisco Javier Vera, ce jeune Colombien de 12 ans présent à Glasgow : « Je crois que nous les enfants, contrairement aux gens qui disent que nous sommes l'avenir, incarnons le présent et avons une opinion et une voix comme n’importe quel citoyens », soutenait-il avec clarté et éloquence durant la COP26. Invité par l'Union européenne en tant qu’"ambassadeur de bonne volonté" du programme Euroclima+, qui vise à soutenir des pays d'Amérique latine face au changement climatique, ce tout jeune militant pour la nature et contre les déchets, lunettes sur le nez et visage poupin, demandait une seule chose aux dirigeants de la planète présent en Écosse : qu'ils « tiennent leurs promesses ! »

La revue des promesses

Et des promesses vertueuses en faveur du climat et solidaires pour les peuples les plus exposés, ça, il y en a eu ! Parfois revigorantes. Cette annonce, par exemple, en ouverture du Sommet, par une centaine de pays de réduire leurs émissions de méthane — un puissant gaz à effet de serre — de 30 % d’ici 2030. Ou celle de l’Inde d’atteindre l’objectif de zéro émissions nettes de carbone d’ici 2070, du Vietnam et de l'Australie en 2050, de la Russie en 2060. Puis ce fut au tour de 190 pays, régions et organisations, de s’engager sur une sortie du charbon au cours des années 2030 dans les pays les plus développés, et dans les années 2040 pour les autres. Un vrai moment de grâce ! Ou encore celle d’une coalition de 39 pays et institutions financières à ne plus délivrer de nouvelles licences d’exploration et d’exploitation de pétrole et de gaz, et ce avec effet immédiat.

À quelques heures de la fin du Sommet, on y a presque cru… Comme s’en félicitait Alok Sharma, « 90% des économies mondiales sont désormais dotées d'un objectif de neutralité carbone, contre seulement 30% il y a un an ». Et l’accord final mentionne bien la fin progressive du charbon ainsi que des subventions aux combustibles fossiles. Ce qui n’avait jamais encore été obtenu, alors que ces énergies sont à l’origine de 70 % des émissions totales de gaz à effet de serre. C’est désormais chose faite, malgré l’intense lobbying des pays pétroliers comme l’Arabie saoudite, la Russie ou l’Australie, qui ont bataillé jusqu’au bout pour faire supprimer ce passage.

Le bal des hypocrites

Malheureusement, tout ceci relève d’engagements sans contraintes, sans détails sur les façons d’y parvenir, sans chiffrages ni calendriers toujours précis. Pire, à quelques minutes de la fin du Sommet, la Chine et l'Inde ont obtenu de remplacer la « sortie » des énergies fossiles (en particulier du charbon) par une simple « suppression progressive », édulcorant ainsi la portée du texte final. Et, pour mesurer l’ampleur des impacts écologiques et sociaux de l’exploitation du charbon à l’échelle du globe, on lira avec intérêt sur le site Reporterre l’entretien avec Aurore Stephant, ingénieure géologue minier au sein de l’association SystExt, qui présente le 16 novembre un rapport implacable sur cette industrie.

Après Glasgow, la fracture Nord-Sud n’a jamais été aussi profonde : les pays riches, qui s’étaient engagés en 2009 à verser 100 milliards de dollars par an (à partir de 2020) aux pays en développement pour leur permettre de s'adapter aux bouleversements du climat, promettent désormais d’honorer leur promesse d’ici à… 2023. Sans compter que les États-Unis et l’Union européenne (et notamment la France) ont refusé la création d’un mécanisme spécifique pour financer les « pertes et dommages », c’est-à-dire les dégâts irréversibles générés par des catastrophes climatiques soudaines ou les phénomènes à occurrence lente, comme la montée du niveau des mers ou la désertification des sols, qui ne peuvent être évités ni par des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre ni par l’adaptation. Et ce par crainte que la reconnaissance des pertes et préjudices n’entraîne des poursuites judiciaires à leur égard, en tant que pays historiquement responsables du changement climatique. Les pays insulaires et pauvres ont juste obtenu un processus de deux ans pour « discuter des arrangements de financements pour éviter, limiter et répondre aux pertes et dommages ».

Simon Kofé, le ministre de la Justice et des Affaires étrangères de Tuvalu, a enregistré sa déclaration officielle, de l'eau jusqu'aux genoux. Si l'augmentation des températures dépasse 1,5°C, la plupart des archipels du Pacifique disparaîtront d'ici la fin du siècle, en raison de la hausse du niveau de la mer.

Le défi du passage aux actes

Alors, les émissaires des États présents en Écosse peuvent toujours nous assurer que la COP26 n’est pas un point final de la lutte planétaire pour le climat, que l’accord signé permet des avancées nombreuses et de « garder en vie » l'objectif de l'accord de Paris de maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5°C d'ici la fin du siècle, nous reprendrons aujourd’hui les trois mots de Greta Thunberg à l’issue du Sommet écossais : « Bla-bla-bla »… 

Disons-le clairement, il reste peu de marge et peu de temps. En effet, selon les données de Carbon Brief, un média spécialisé dans les analyses scientifiques du changement climatique, les activités humaines passées ont déjà produit 86 % des émissions de dioxyde de carbone maximum cumulées conduisant à cette augmentation de +1,5°C. Se désintoxiquer des énergies fossiles et du modèle de croissance carboné est un réel défi. Mais plus nous attendons, plus le coût des efforts à consentir pour tenir cet objectif de + 1,5°C – qui entrainera, rappelons-le, des bouleversements locaux terribles – est douloureux.  Or, d'après l'estimation partagée par le Global Carbon Project, une association internationale de scientifiques spécialistes du climat, les émissions mondiales de CO2 ont connu un rebond de près de 5 %, après la chute inédite de 2020 liée à la pandémie de Covid-19. 

Greta Thunberg, ici lors d’une manifestation pour le climat, à Berlin, en septembre 2021

« Le vrai travail continue en dehors de ces salles [de la COP26]. Et nous n'abandonnerons jamais, jamais ! », a conclu sur Twitter Greta Thunberg, la figure emblématique du mouvement Fridays for Future. L’énergie transformatrice de Greta, de Francisco Javier et des milliers d’autres jeunes engagés pour le climat à travers la planète nous donnent encore de l’espérance. L’espoir qu’auprès d’eux, partout dans nos territoires, nos entreprises et nos foyers, nous pouvons construire et imposer cette indispensable bifurcation du système de développement de notre civilisation thermo-industrielle. Pour atténuer les impacts du grand dérapage climatique déjà à l’œuvre, et pour s’y adapter au mieux, dans la solidarité avec les plus exposés et les plus vulnérables d’entre nous.


Pour aller + loin

Sur Colibris le Mag

- COP26 : Comment éviter le grand dérapage du climat ?

- Neutralité carbone atomique : la grande fuite en avant !


Crédits photos :

-  Tuvalu : Ministère de la Justice et des Affaires étrangères, Gouvernement de Tuvalu

- Alok Sharma :  Tim Hammond / No 10 Downing Street, licence Creative Commons (CC) BY-NC-ND 2.0

- Greta Thunberg : Stefan Müller, CC BY 2.0

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