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Mode d'emploi

Happy-Terre, Une oasis en route vers une gouvernance collective



Gouverner, c’est donner un cap à un projet et conduire des femmes et des hommes. Peut-on le faire sans user de son autorité ? C’est en tout cas le pari de l’oasis Happy-Terre, dans le Gard. Cet écolieu créé en 2014 ambitionne de devenir un laboratoire de gouvernance partagée.


Une gouvernance nouvelle et inclusive

« Cet écolieu a pour vocation d’expérimenter un mode de gouvernance qui ne repose plus sur la loi du plus fort, qu’elle soit politique ou économique », explique Rémy Becard, porteur du projet Happy-terre. En 2014, il imagine avec sa femme Brigitte cette oasis, car « si tout n’est pas à jeter dans notre société, le modèle social et sociétal qui s’est mis en place est insatisfaisant pour un grand nombre de personnes. On sent bien une quête de sens. » Pour faire leur part et pallier les incohérences de notre modèle, le couple tend des perches et pose des annonces dans la presse spécialisée (Passerelle Eco) et sur des sites dédiés aux écolieux. En 2015, un groupe se constitue dans le Gard. Leur objectif est de créer « une communauté d’intention plus que d’intérêt, qui accepte une gouvernance partagée reposant sur la sociocratie, essentiellement ». 

"Chacun doit pouvoir demander aux autres la révision de la charte chaque fois qu’il en ressent le besoin. L'oasis doit pouvoir évoluer avec les gens qui y sont."

Un groupe qui s’appuie plus sur des valeurs partageables que partagées : les premières créent une dynamique, les secondes figent les choses. Si une charte existe bien, elle est ouverte. Chacun doit pouvoir se donner le droit de demander aux autres sa révision chaque fois qu’il en ressent le besoin. Le lieu doit pouvoir évoluer avec les gens qui y sont, et avec l’âge qu’ils ont à ce moment-là. Ainsi, chemin faisant, avec les personnes qui les ont rejoints, Rémy et Brigitte expérimentent une autre forme de gouvernance. Dans la prise de décisions d’abord : cette dernière s’appuie sur le consentement du groupe, qui privilégie la préférence à l’objection. L’objection ne doit être utilisée que si une proposition remet en cause le projet, qui repose sur une triple démarche : l’autonomie alimentaire avec des méthodes permacoles, une dimension artistique et enfin une approche spirituelle pour « être en harmonie avec son environnement ». En 2015, pour la désignation du pilote du projet, les membres de l’oasis ont procédé à une élection sans candidats. « Bien sûr, j’ai été appelé et j’ai accepté d’être élu, puis renouvelé en 2016 », concède Rémy, pilier et porteur du projet. « C’est la relation qu’on entretient au pouvoir qui permet de passer d’une démarche individuelle à une démarche collective. Suis-je là pour servir une fonction en faveur d’un projet ou pour exister ? »

Assemblée Générale de Happy-Terre le 8 mai 2017

Un projet fondé sur le sentiment de confiance

Pour que ce type d’organisation fonctionne, la confiance doit être au cœur du processus. Pour le sexagénaire, « la question n’est pas d’avoir confiance, mais de se sentir en confiance. Avoir confiance, c’est être chargé de la confiance de l’autre, alors que se sentir en confiance, c’est de la responsabilité de chacun. » Une interrogation qui en amène une autre : avons-nous besoin d’avoir pour être, ou d’être pour avoir ? La réponse nous renvoie à l’approche fondamentale de la révolution intérieure selon Rémy : « Ce n’est pas avec plus de moyens financiers ou technologiques qu’on résout nos difficultés et nos insatisfactions, mais par la rencontre avec soi-même et les autres. » En conclusion, pour que ce type de gouvernance fonctionne, chacun doit avoir fait un pas dans la connaissance de soi et des liens qui nous unissent. Pour y tendre, l’oasis organise des ateliers. Par exemple, en 2016, les personnes engagées dans le projet ont monté une construction légère éphémère sur le terrain. Mais pas n’importe comment ! Elles ont d’abord échangé sur ce qu’est la méditation, puis ont pratiqué un exercice de pleine conscience. Alors seulement, elles ont commencé la fabrication. Chacun était conscient de ce qui se passait collectivement et individuellement, sans qu’aucun ne cherche à faire mieux, ou plus vite.

"La question n’est pas d’avoir confiance, mais de se sentir en confiance. Avoir confiance, c’est être chargé de la confiance de l’autre, alors que se sentir en confiance, c’est de la responsabilité de chacun."

Les membres de Happy-terre arriveront-ils au bout ? À ce jour (août 2017), ils sont trois foyers prêts à vivre ensemble et trente adhérents à l’association Les Amis d’Happy-Terre. À terme, cette dernière détiendra 80 % des parts de la société civile immobilière (SCI) propriétaire du lieu, car les résidents seront locataires. Question de cohérence ! D’ici là, ils doivent trouver deux autres foyers résidents pour démarrer le chantier en 2019. Mais, avec ce nom de Happy-terre, qui à l’envers nous offre une belle Terre-Happy… tout est possible !

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