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Le coronavirus, révélateur d'inégalités sociales...

crédit : Claudel Rheault / Unsplash

Ces derniers jours, un sentiment bizarre est présent en moi. Une sorte d’interrogation, d’incompréhension indéfinissable, face au panel de comportements exprimés pour faire face à cette crise.

Ce n’est pas tant que la situation est étonnante. Depuis plus d’une quinzaine d’années, plusieurs discours alarmistes annoncent l’arrivée d’effondrements. Et pour eux les pandémies en sont une expression. Celle du COVID-19 n’est ni la première, ni la dernière. Mais pourquoi, aujourd’hui ce sentiment bizarre, difficile à définir : de la colère…? contre qui ? contre quoi ? de l’impuissance ? Sentiments nourris et/ou réveillés par certaines paroles entendues ou lues dans mon entourage ces derniers jours :

« Un sentiment de vacances en tête malgré les mesures de confinement prises, avec des familles qui vont se balader en bord de rivières, à la plage ou pique-niquer les uns à côté des autres dans les parcs avec leurs enfants. Cette désinvolture me sidère !! J’ai vu ma mère en insuffisance respiratoire pendant deux mois, puis s’éteindre en manquant d’air, c’était insupportable, je ne le souhaite à personne !! Mais pourquoi donc ne restent-ils pas chez eux ?! ». (Charlotte, 38 ans)

«  Après 5 jours de confinement, nous sommes en effectifs réduit de 40% dans mon institution !! Entre les contraintes personnelles d’enfants à garder et les collègues malades, il nous faut organiser la solidarité entre collègues pour continuer d’accompagner dans les meilleures conditions les jeunes et les familles. Sur du long terme, en y ajoutant la peur d’être contaminé car pas de matériels de protection, la situation va être encore plus difficile à gérer. ». (Nathalie, éducatrice, 40 ans)

« Le fait d’être organisés en collectif de producteurs est soutenant pour traverser cette épreuve. Nous nous entraidons pour la réalisation de paniers, les livraisons, la mise en place de points de vente. La force des circuits-courts fait ces preuves !! ». (Christelle, éleveuse de brebis, 46 ans).

crédit : John Cameron / Unsplash

Dans les premiers jours un discours ambigu de nos politiques, puis très autoritaire voire infantilisant a été tenu, avec des mesures qui une fois de plus laissent de côté une partie de la population. « Que fait-on pour ces hommes, ces femmes et ces enfants qui n’ont rien, ni nulle part où aller et pas de quoi se nourrir ? », s’indigne les auteurs de cette pétition.

Nous ne vivons pas toutes et tous la même chose. Dans le même espace-temps : espace de confinement, temps de travail ou pause. Il ne s’agit pas de juger les différents comportements ou expressions, il est inutile d’entrer dans un clivage de la société. Notre gouvernement fait ça très bien depuis des années. Je fais plutôt un constat, évident peut-être, que face à une même situation, les réactions et les comportements peuvent être très différents. D’une certaine insouciance apparente, à une prise de conscience en respectant le confinement, en passant par l’expression de la peur. De la peur, chez celles et ceux qui se retrouvent confinés avec un mari, une femme, un parent violent. « Être confiné, c'est déjà compliqué pour des gens qui s'entendent bien. Alors pour les victimes de violences conjugales, elles vont vivre un véritable calvaire, soulignait justement dimanche dernier la présidente de l’Union nationale des familles de féminicides (UNFF). Malheureusement, je pense qu'on doit s'attendre à une recrudescence des violences conjugales et féminicides dans les prochaines semaines. »

"Nous ne sommes pas toutes et tous égaux pour vivre et accueillir cette épreuve."

Violence aussi, différemment, pour toutes celles et ceux qui sont obligés d’aller au boulot, mais qui craquent car, oui, la peur est bien là. Et que dire de celles et ceux qui vont au front, dans les hôpitaux, les supermarchés, sur les chantiers de construction, à EdF, etc. avec courage, conviction ou conscience professionnelle, ou bien par solidarité ?

C’est clair, nous ne sommes pas toutes et tous égaux pour vivre et accueillir cette épreuve.

Et cette inégalité que l’épidémie souligne me bouleverse. Cette «  peur de… » qu’il n’est pas toujours possible d’exprimer, de partager en toute authenticité… Car notre éducation n’a jamais laissé la place à l’expression et la gestion des émotions. Il est encore plus difficile d’exprimer sa vulnérabilité dans ce type de situation, car les plus « durs ou forts » diront qu’il n’y a pas le choix, qu’il faut y aller ! Pas le temps de s’apitoyer ou de réfléchir !

Alors oui, le confinement invite à « prendre le temps de… ». À « ralentir ». Des mots qui ne sont valables et possibles que pour une partie de la population, celle que compose les plus privilégiés d’entre nous. Et finalement, ces invitations à « prendre le temps de… » peuvent devenir sacrément violents pour toutes ces catégories professionnelles qui n’ont pas le loisir de le faire car elles doivent aller travailler pour que la société puissent survivre dans cette situation de crise. Ces métiers importants, du secteur médical, social, de l’éducation, de l’agro-alimentaire, ou encore des services de ramassage de nos déchets. Des personnels indispensables, on le voit bien en ces temps de crise, et pourtant bien souvent mal payés et peu considérés !

Aujourd’hui, la crise du COVID-19 met encore plus en exergue que ces secteurs professionnels  manquent sérieusement de moyens financiers et d’équipements, et de ressources humaines.

" L'après-épidémie se pense aujourd'hui. Comment organiser localement pour apporter des réponses résilientes ?"

Quelles réponses apporter ? Il y a certainement deux temporalités. L’aujourd’hui de la crise et le demain de l’après épidémie.

Aujourd’hui, nous devons faire face à l’urgence pour ces personnels et pour tout le reste de la population. Et la question première est celle d’apporter plus de solidarité, de partager les obligations et soutenir les missions indispensables pour limiter le nombre de décès de tous ? Être à l’écoute de celles et ceux qui en ont besoin et les accompagner à traverser cette épreuve. Cette solidarité est nécessaire, pour limiter la « casse humaine », mais aussi pour sortir collectivement grandi de cette épreuve. Indispensable pour préparer la suite...

Et justement, l’après épidémie se pense aujourd’hui. Ne serait-ce que pour anticiper les prochaines crises à venir. L’enjeu, pour moi, est de réfléchir à comment nous organiser localement ensemble pour apporter des réponses plus résilientes, plus cohérentes avec nos besoins, mais aussi plus respectueuses du vivant, des humains et de la nature ? Collectivement, nous pouvons trouver ces réponses.



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