4ème rencontre de l'Agora Installation
Mieux accompagner et valoriser la nouvelle génération d’agri-ruraux
Malgré un rendez-vous à distance pour des raisons sanitaires – une fois encore… –, la 4ème rencontre de l’Agora sur les nouvelles formes d’installation en zones rurales (15 et 16 février) a été particulièrement féconde : deux chantiers collectifs ont été lancés par les différentes structures présentes, l’un autour de l’accompagnement, l’autre d’un plaidoyer.
Cette dernière rencontre était destinée à mettre en chantier des initiatives communes, qui s’appuient sur les constats, les expériences et les exigences exprimés au cours des trois rencontres nationales et des quatre webinaires de 2020. Elle a pu réunir, malgré le format à distance, dix organisations partenaires (1) de cette Agora et plusieurs chercheurs (2). Deux chantiers collectifs ont été lancés par les différentes structures présentes (l’un autour de l’accompagnement, l’autre d’un plaidoyer) pour favoriser l’installation d’une nouvelle génération d’agri-ruraux plus écologiques, sobres et coopératifs. Un troisième chantier, sur une documentation des réseaux agri-ruraux écologiques et socialement innovants, demande encore à être précisé. Les échanges, souvent en petits ateliers, ont été particulièrement riches et denses. Et utiles ! Le signe que les Agora de Colibris sont non seulement un espace de dialogue entre acteurs et réseaux, d’informations et de réflexions, mais aussi de coopération dans l’action.
Mieux accompagner l’installation écologique, sobre et coopérative
La première initiative concerne l’accompagnement des porteurs de projets. Un enjeu très fort, souligné durant toutes les rencontres de cette Agora 2020. « Qu’il s’agisse des formations, des processus d’installation, des espaces de test et d’échanges, on doit rendre plus visible les offres des différentes structures et plus simple les parcours d’installation pour toutes les personnes qui ont des idées, des projets de vie et d’activités en milieu rural avec la volonté d’engager une transition écologique » a proposé Jean-Yves Pineau de l’association Les Localos, qui a accepté de coordonner ce chantier collectif. Concrètement, un groupe de travail a été lancé pour « mettre en dynamique les ressources, faire réseau pour être plus forts et plus pertinents dans les réponses à apporter à ces nouveaux publics. ».
L’idée n’est pas d’ajouter de nouvelles offres d’accompagnement ou de formation, plutôt de créer des ressources faciles d’accès afin de les rendre davantage visible, notamment à l’échelle des territoires locaux, voire de mutualiser les offres entre structures. Les parcours en pluri-activités, qui ne relèvent pas d’un seul métier ou d’une branche d’activités, tout comme les projets de vie et professionnels, auxquels aspirent de plus en plus de néoruraux, sont particulièrement concernés par ce besoin de facilitation.
Onze pistes pour ce futur chantier collectif
Pour mieux cerner les attentes et besoins, une enquête qualitative auprès des porteurs d’idées et de projets a d’emblée été proposée. D’autres propositions sont venues nourrir le futur groupe de travail :
➤ cartographier les offres existantes en matière d’accompagnements et de formations à l’échelle des territoires locaux (sur un portail national à créer ?) ;
➤ apporter une attention particulière et une visibilité sur les dispositifs de soutien concernant les phases d’émergence des projets d’installation ;
➤ pointer les dispositifs de soutien possible pour les projets d’installation en autonomie et sobriété, hors des circuits publics ou payants ;
➤ souligner les dispositifs de mises en lien des porteurs de projets, afin qu’ils puissent échanger et construire leurs parcours d’une façon collaborative ;
➤ collecter des retours d’expériences sur les formations existantes, afin d’identifier les plus adaptées à certains types de projets, et celles qui manqueraient ;
➤ éditer un kit en ligne sur plusieurs dispositifs existants, notamment en matière d’installation et activités collectives ;
➤ s’appuyer sur les outils mis en œuvre par la Coopérative Oasis en matière de montage de projets d’habitats partagés ;
➤ bonifier l’outil PARCEL, développé par Terres de Lien, afin qu’il puisse demain proposer une cartographie des exploitations avec la pyramide des âges des propriétaires pour identifier les prochains départs en retraite et les fermes et fonciers bientôt disponibles ;
➤ s’appuyer sur les travaux de l’Observatoire des agri-ruraux de Bourgogne et Franche Comté en matière de documentation et d’actions territoriales sur l’accompagnement des porteurs de projet ;
➤ proposer un focus sur quelques autres territoires en matière de dispositifs d’accueil, d’accompagnement et de formations, publics, privés, comme associatifs, mais aussi pour indiquer l’existence éventuelle de ressources sur la disponibilité de terres, d’habitats ou bâtiments d’activités ;
➤ engager un échange avec diverses structures caritatives et d’aides aux migrants pour favoriser les ponts vers l’installation de populations précaires autour de projets ruraux écologiques et solidaires.
Un plaidoyer pour favoriser l’installation écologique, sobre et coopérative
Cette rencontre a permis de lancer une deuxième initiative commune : un plaidoyer pour favoriser les projets d’installation atypiques ou innovants en matière écologique et sociale, et pour cela l’accès aux terres et aux bâtiments (habitats et fermes). « Ce plaidoyer prend racine dans les difficultés que rencontrent bon nombre de candidats à l’installation, entre autres en agriculture », souligne Murray Nelson, membre des associations Relier et Terres de Liens (Hérault), et qui va coordonner ce travail collectif. « Ces difficultés pèsent en premier lieu sur les candidats eux-mêmes. Cela conduit non seulement à un renoncement sur les investissements en argent et en temps qu’ils étaient prêts à consentir, mais aussi, souvent, au sentiment d’une « vocation ratée » et d’inutilité. Ces grandes difficultés d’accès au foncier et à l’habitat ont aussi toute une série de répercussions sur d’autres plans : elles accentuent le décalage entre les productions agricoles et les besoins alimentaires d’un territoire, notamment en bio et produits locaux que les porteurs de projet plébiscitent de plus en plus ; elles contribuent au chômage et à la précarité en zones rurales, souvent par une non prise en compte des projets atypiques (en collectifs et en pluriactivité) ; elles favorisent l’agrandissement et la concentration des fermes, et dans la foulée l’industrialisation agricole et ses divers méfaits écologiques ; elles sont, enfin, responsables des fortes inégalités entre les ceux qui s’installent et ceux qui ne parviennent pas à le faire et renoncent à ce métier ou l’exercent dans des conditions difficiles. » Alors même que l’agriculture française souffre cruellement d’un manque de renouvellement et perd chaque année un grand nombre d’actifs – qui partent notamment à la retraite.
Treize premières briques pour bâtir ce plaidoyer
Là encore, les échanges ont fait émerger les premiers arguments de ce futur plaidoyer, en soulignant la nécessité de se relier aux autres plaidoyers existants ou en cours d’écriture :
➤ travailler sur une réforme du foncier et sur le prix des terres afin de les rendre plus accessibles aux candidats à l’installation autour de projets écologiques, sobres et coopératifs ;
➤ développer un système de repérage, accessible à tous, des fonciers et des fermes qui se libèrent ;
➤ introduire un mécanisme favorisant l’installation de nouveaux agriculteurs, de collectifs d’agriculteurs, notamment par le démembrement des grandes exploitations plutôt que l’agrandissement des fermes voisines ;
➤ revoir le système et les critères actuels des aides à l’installation, et plus généralement des aides de la PAC (politique agricole commune), afin de favoriser les projets actuellement atypiques, collectifs, pluriactifs, etc. ;
➤ réformer la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural), créée en 1960 pour notamment préempter/racheter et revendre des fermes et terres agricoles à des paysans, en renforçant la transparence des processus et des décisions, le rôle des collectivités, mais aussi en intégrant mieux les professionnels et la société civile dans ces processus ;
➤ favoriser et sécuriser les dispositifs de location des terres et des fermes, ainsi que les usages diversifiés et écologiques des terres privées, en friches, et des communaux ;
➤ développer l’expérimentation et l’implantation d’habitats et bâtiments d’activités « légers », sans empreintes écologiques sur les écosystèmes ruraux, ainsi qu’à usages collectifs ;
➤ « sacraliser » par la loi et dans les plans locaux d’urbanisme les terres destinées à la production alimentaire ;
➤ impliquer davantage les collectivités territoriales (et les projets alimentaires territoriaux - PAT) à la fois dans la protection et sanctuarisation des terres pour des productions alimentaires et des projets collectifs, dans la mise à disposition de bâtiments inoccupés, mais aussi dans l’adoption d'une politique en faveur de l’installation, la transformation locale et la sécurisation alimentaire locale ;
➤ faire reconnaître et valoriser la pluriactivité (diversité des activités et des revenus, en partie non agricoles), notamment auprès des collectivités, des administrations et des banques, mais aussi la complémentarité entre différents types de production au sein d’une même exploitation ou d’un petit territoire, afin de développer des projets en coopération et les complémentarités écologiques et sociales ;
➤ favoriser l’accès de tous les habitants d’un territoire à des terres pour cultiver une partie de leur alimentation, pour se mettre en lien, préserver la biodiversité, et ne plus faire reposer sur les seules épaules des agriculteurs la sécurité alimentaire des territoires ;
➤ intégrer à ce plaidoyer tous les acteurs-producteurs d'alimentation (pluri-actifs qui ne font pas que de l'agriculture, jardins partagés, habitats collectifs avec production, régies municipales, entrepreneurs de transformateurs d'aliments, etc.) aux solutions d'avenir ;
➤ repenser les statuts des exploitations agricoles (besoins d'apports, fiscalité, responsabilités...) et en inventer d'autres, notamment pour les projets collectifs.
Face à la richesse des propositions qui alimentent ces deux chantiers collectifs, les groupes de travail qui les prendront en main demeureront souverains sur leur prise en compte, sur leurs méthodes, leurs actions, leurs calendriers, les prises de contacts et recherches de financement à effectuer. Nous sommes convenus néanmoins de refaire un point d’étape dans l’année avec tous les partenaires de l’Agora 2020 intéressés par les avancées de ces chantiers.
- Reneta, Les Localos, l’Avise, Terres de Lien, Relier, Terre et Cité, Néo Agri, Colibris, la Coopérative Oasis, InPACT/Civam Bretagne.
- Yannick Sencebe (sociologue à Dijon SupAgro), Lucile Bonnel (ingénieure à l’Observatoire des agri-ruraux en Bourgogne Franche Comté), Guillaume Faburel (géographe Lyon Lumière 2), Kevin Morel (agronome à l'INRAE/AgroParis Tech), Hélène Tallon (géographe indépendante) et Henri Rouillé d’Orfeuil (association Recherche et Évaluation de Solutions Innovantes et Sociales RESOLIS).
Pour en savoir +
Les enregistrements audio de chaque session de la 4ème rencontre :
Contacter le coordinateur de chaque initiative : Jean-Yves Pineau (sur l'accompagnement), Murray Nelson (sur le plaidoyer)
Quels accompagnements proposer aux porteurs de projet ?
Plaidoyer pour favoriser l'accès au foncier et aux fermes
Documenter les bonnes pratiques alimentaires
Le webinaire « Transmission, résilience et transition – études croisées sur les transmissions en agriculture », organisé le 17 décembre dernier par plusieurs partenaires de cette Agora, dans le cadre du programme TERREAU, pilotée par Terre de Liens. Et le lien de sa synthèse écrite.
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