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Un système alimentaire en crise : état des enjeux



Si la « modernisation » après-guerre de l’agriculture a permis d’éviter des famines, elle a forgé une industrialisation du système alimentaire. Un système devenu pernicieux et fragile. Décryptage.


                                                                       

Indicateurs d’un système agricole en crise

Quatre fois moins d'agriculteurs exploitants qu'il y a quarante ans

Nombre d'agriculteurs exploitants en France, entre 1982 et 2019.

En près de quarante ans, la proportion des agriculteurs exploitants a fortement diminué en France. En 1982, ils étaient 1,6 million, soit 7,1% de l’emploi total (en incluant ceux effectuant des activités liées à l’exploitation de ressources naturelles : entrepreneurs de travaux agricoles, exploitants forestiers, patrons pêcheurs, aquaculteurs, etc.). On n’en comptait plus que 496 000 en 2020... Au rythme des départs en retraite et des difficultés d’installation, une diminution d’un quart supplémentaire du nombre d’agriculteurs se profile d’ici à 2030 !

Des fermes moins nombreuses, mais plus grandes et plus intensives

Augmentation de la taille moyenne des exploitations

La tendance est à la concentration des terres, qui va souvent de pair avec une mécanisation accrue, une simplification et une intensification des cultures. Entre 1988 et 2020, la surface occupée par les exploitations de plus de 100 ha est passée de moins de 25 % à environ 60 %.

Les impacts négatifs de l'agriculture sur la biodiversité

Carte de France des espaces agricoles à haute valeur naturelle (en vert) en 1970 et en 2000.

Le système agricole industriel dégrade les écosystèmes et se trouve être une cause majeure de l’effondrement de la biodiversité en France. Les causes sont multiples : monocultures, agrandissement des parcelles, disparition des haies, prairies et zones humides, utilisation massive de pesticides et d’engrais, travail du sol fréquent et profond...
Les  espaces  agricoles  à  haute  valeur  naturelle  sont des milieux particulièrement favorables à la  biodiversité. Ils combinent haies, pratiques agricoles extensives, prairies permanentes, rotations  des  cultures...  Leur  surface  a  diminué  de  68 %  en  trente ans.

Climat : l'agriculture à la fois responsable et victime

Projections régionalisées de l’indice d’humidité relative des sols, en moyenne printanière, par rapport à 1970 (le scénario considéré ici correspond à une trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre provoquant un réchauffement global d’environ 3°C d’ici 2100).

Si l’agriculture est responsable de 15,2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, elle paiera un lourd tribu aux bouleversements du climat. L’élévation globale des températures, l’instabilité des régimes de pluie et de vent mais aussi la raréfaction des ressources en eau auront des effets négatifs sur la production agricole. Les projections climatiques laissent entrevoir des niveaux de sécheresse moyens équivalents aux pires années de ces dernières décennies.

Le secteur agricole consomme environ la moitié de l’eau douce prélevée en France. Dans les régions de cultures irriguées, les prélèvements agricoles seront donc en concurrence directe avec les usages domestiques prioritaires. En outre, la remontée rapide de certaines zones bioclimatiques vers le nord va perturber en profondeur les écosystèmes et favoriser l’activité, la migration et le développement de certains ravageurs de cultures et autres organismes pathogènes.                                                                       

Indicateurs d’un système de consommation en crise

Les activités de transformation et de distribution alimentaires en France se concentrent dans quelques mains

                                                                       

* Auchan, Carrefour, Casino, Intermarché, Leclerc, Système U. 

En France, les exploitations agricoles et les petites entreprises de transformation souffrent depuis longtemps d’une répartition inégale de la valeur au sein du système alimentaire. Relativement autonomes jusqu’au milieu du siècle dernier, les fermes se sont pour la plupart transformées en exploitations agricoles étroitement intégrées à une chaîne de production qui les dépassent. En amont : firmes semencières, produits phytosanitaires, engrais minéraux et agroéquipements... En aval : coopératives, industries agroalimentaires, entreprises de négoce et de logistique, grande distribution... Sur 100 euros d’achats alimentaires, seuls 6,5 euros sont perçus par les agriculteurs français.  Le reste est majoritairement capté par des acteurs bénéficiant d’un fort pouvoir de négociation suite à la concentration économique historique des secteurs de l’agrofourniture, de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution.


La précarité alimentaire en augmentation

Le baromètre Ipsos-Secours populaire publié en 2021 souligne l’ampleur de la précarité alimentaire en France, qui touche près d’une personne sur trois. Selon ce sondage, 32% des personnes ne peuvent pas consommer des fruits et des légumes frais tous les jours, et 30% sont dans l’impossibilité de se procurer une alimentation saine en quantité suffisante pour faire trois repas par jour (en hausse de 7 points par rapport à 2018). 1 Français sur 5 est même obligé de sauter des repas, en particulier parmi les jeunes (34% des moins de 35 ans) et les personnes dont le revenu mensuel net du foyer est inférieur à 1 200 euros (39 %). Dans le monde, les conflits armés et les crises climatique et sanitaire ont fait s’envoler les cours mondiaux des denrées de base. Le nombre de personnes en insécurité alimentaire est aussi passé de 113 millions en 2018 à 155 millions en 2020.

Malnutrition et obésité : les deux faces d'un système malade

Contrairement à une idée reçue, pauvreté et obésité sont en grande partie corrélées. En cause, une alimentation pauvre en nutriments et trop riche en sucres rapides, graisses hydrogénées et sel, du fait notamment de « la disparition progressive des endroits où l’on vend des aliments frais, l’augmentation du nombre de supermarchés et le contrôle de la chaîne alimentaire par des multinationales dans de nombreux pays », souligne l’OMS.

Dans le monde, près de 2,8 milliards d’enfants et d’adultes sont en surpoids, et plus de 150 millions d’enfants présentent un retard de croissance. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, ces problèmes coexistent parfois chez une même personne ! En France, le surpoids ou l’obésité touchent 21% des enfants de 8 à 17 ans et près de 50 % des adultes, avec une surreprésentation nette des catégories populaires.


Le Mouvement Colibris lance la campagne Nouvelle (R), et sur la thématique Agriculture / Alimentation, nous vous proposons :

- de participer à la réflexion ! Donnez votre avis sur les grandes orientations à donner à l’éducation, participez à notre grande consultation !

- "Relocaliser le système alimentaire ? Une sacrée révolution !", l'entretien avec Yuna Chiffoleau  (Inrae), Félix Lallemand (Université  de  Lyon, Les  Greniers  d’Abondance), et Olivier Mevel (Université de Bretagne occidentale, consultant).

- La webconférence "Comment construire partout des territoires nourriciers ?", mardi 18 octobre à 19h. Nous tenterons de cerner les grands enjeux actuels, partirons à la découverte de pratiques remarquables, et essaierons de dessiner des possibles ! Pour s’inscrire, c'est gratuit et c'est ici.

Pour aller plus loin

Cet article est tiré de la revue 90° "Pour une révolution alimentaire", disponible en librairies et sur la boutique des colibris (version papier à 12€, version numérique gratuite)

Les illustrations sont de Jeanne Macaigne, les textes de Gregory David.


Sources : Les Greniers d’Abondance, Insee, Inrae, Agreste-Maaf, Solagro, Muséum national d’histoire naturelle, Commission européenne, OMS, Santé publique France, Ligue contre l’obésité, FranceAgriMer, Kantar World Panel, Météo France, Ipsos / Secours populaire français.

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