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Chronique Le Jardin sans pétrole #4

Pourquoi et comment cultiver un jardin sans pétrole

Jardiner dans la grande ville ? Difficile. Alors, Christine s’échappe toutes les fins de semaine, pour maraîcher et observer la nature. Médiatrice, écrivaine et journaliste, Christine écrit et expérimente autour des plantes, des jardins et de l’écologie, à Reporterre, où elle tient la chronique hebdomadaire du "Jardin sans pétrole" depuis cinq ans, mais aussi pour les éditions Belin, avec "L’herbier Vilmorin" (2015).



Frank Bättermann/CC BY-SA 2.0

Depuis plus de deux ans, semaine après semaine, Christine Laurent raconte dans Reporterre comment elle cultive écologiquement un petit coin de terre au sud de Paris. En ce début d’année, elle a eu envie d’expliquer la démarche qui préside à la chronique du Jardin sans pétrole.

Ce dimanche point de gel mais une pluie interminable qui ne semble pas vouloir s’arrêter. Inutile d’aller jusqu’au jardin... En rêver suffira. Qu’allons-nous y faire pousser cette année ? Comment poursuivre cette résilience pacifique à la société carbonée, pour ne pas dire carbonisée ! Rester sur notre ligne, celle d’un jardin qui produit plus de calories qu’il n’en consomme.

C’est lors d’un stage de permaculture à la ferme du Bec Hellouin en 2013 que j’ai réalisé à quel point l’agriculture dite conventionnelle, qui s’est développée en France après la Seconde Guerre mondiale, est vorace en énergie : elle consomme douze calories d’énergie fossile pour produire une calorie alimentaire. Alors que les plantes produisent naturellement des calories à partir du soleil par la photosynthèse, la pousse des plantes industrielles nécessite l’emploi d’engrais, de pesticides et de tracteurs qui consomment une grande quantité de pétrole.

Le « jardin sans pétrole » s’est dès lors imposé comme une réponse ludique, inventive et chaleureuse pour reprendre la main sur la façon dont nous nous nourrissons. Au jardin comme en ville quand nous faisons des courses, nous cherchons comment inverser ce rapport calorique, c’est-à-dire utiliser peu de calories d’énergie fossile, voire pas du tout. Dans notre jardin, nous dépensons nos calories physiques, certaines fois jusqu’à nous endormir dans le RER du retour saoulés d’oxygène et d’une fatigue qui annonce une bonne nuit de sommeil. Mais les engins à moteur n’y ont pas leur place, remplacés par de bons outils : grelinette pour aérer le sol, fourche pour remuer le compost, râteau pour affiner la terre...

Équilibrer le système 

Pour nourrir le sol, nous utilisons la biomasse disponible à proximité : dans le jardin, les prairies alentour, la forêt et le fumier d’un centre équestre voisin. Nous apportons aussi nos épluchures de la semaine et des copeaux de bois, issus de la menuiserie de Jean-Marie. Nous utilisons ces différentes sources pour équilibrer le compost en matière azotée (de couleur verte) et carbonée (de couleur brune) et apporter des nutriments essentiels présents dans la consoude, les orties, la prèle et les fougères pour l’essentiel de ce que nous avons à portée de brouette.

Contenir l’action néfaste des champignons, des insectes ou autres rongeurs est le plus difficile. Nous favorisons la diversité des plantes. Les comestibles vivaces ou qui se ressèment seules sont rarement malades. Certaines fleurs attirent des insectes auxiliaires qui contribuent à équilibrer le système. Les plantations aléatoires plutôt qu’en rangée rectiligne sont aussi moins exposées... Les soins sous forme de purin, tisanes et autres préparations sont difficiles à mettre en œuvre à cause de la distance qui sépare notre logis à Paris du jardin.

Cinquante kilomètres que nous effectuons le plus souvent à vélo et RER. Nous échappons ainsi aux embouteillages pour rentrer dans Paris, que nous subissons les rares fois où nous utilisons la voiture.

Certains pourraient voir dans notre jardin qualifié de « sans pétrole » une opération d’écoblanchiment, car nous avons une tonne d’eau en plastique, un arrosoir en plastique, des tuyaux d’arrosage en plastique... et comme nous n’avons pas de toiture pour récupérer l’eau, nous arrosons avec celle de la ville.

Mais nous l’entendons comme une tendance qui oblige à questionner la manière dont nous faisons les choses, à interroger notre rapport au pétrole et à ce que son usage génère dans le monde.


Crédit Photo : Christine Laurent / Reporterre

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