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Chronique "Vite ! Je ralentis" #1

La vie à l’orange

Après avoir été danseuse, journaliste, assistante de Pierre Rabhi puis directrice de Terre & Humanisme, Nelly Pons se consacre aujourd’hui à l’écriture. Elle est l’auteure de Débuter son potager en permaculture (Actes Sud – Kaizen, 2017) et de Choisir de ralentir (Actes Sud – Kaizen, septembre 2017). Dans cette chronique, elle explore cette notion et ce besoin du ralentissement, la façon de s’y prendre.



Ralentir… Un sujet dans l’air du temps. Un besoin, parfois urgent, qui se fait sentir chez un grand nombre de personnes. Mais qu’est-ce que ça veut dire réellement ? Et concrètement, comment le mettre en œuvre ? Ces chroniques, construites comme une succession de « petits faits vrais », non nécessairement ordonnés, parleront des succès, des échecs, mais aussi des questions que cette quête soulève. Elles feront voyager le lecteur dans les incohérences de notre vie moderne et exploreront autant de pistes pour un nécessaire apaisement. Pour nous-mêmes, pour les autres et plus largement, pour l’avenir de notre société.

L'arbre aux feux tricolores, sculpture de Pierre Vivant, Londres (crédit : William Warby)

7h52. Mince ! Troisième occurrence de la sonnerie du réveil ce matin et voilà que ça commence. Ou plutôt recommence. Je suis en retard ! Sensation absurde de déjà-vu. Je redouble d’efforts pour embrasser ce temps perdu. Vous avez dit perdu ? à jamais ? Vite. Rattraper ce petit malentendu en rognant sur quelque chose. 8h08. Que vais-je choisir de supprimer ce matin ? Le café ? Non. Pas possible. La douche ? Dur, dur. Les doux échanges ? Non.

Tout. Je ferai tout ! Mais vite, ne m’en déplaise. Au pas de course. Le bus, n’attend pas. Ouf, c’est bon. 9h09. Dans 6 minutes, j’ai mon rendez-vous. Mais pourquoi ne lui ais-je pas dit 9h30 ? 6 minutes pour y arriver. 6 précieuses petites minutes, pour lesquelles j’appuie sur le champignon. 9h20. Bah ça ira. 9h45. Rendez-vous fini. Ouf. J’ai 15 minutes pour répondre à mes mails. Après, j’écris. Au fait, on mange quoi ce soir ? Zut, le téléphone sonne. Allo ? Ah oui, le garagiste. 6, 15, 23, 36… Les minutes défilent, dans un tintamarre qui m’abasourdit. Je mange devant l’ordi. Ranger la maison ? Non, pas le temps. 16h30. Vite, l’école. Mince, je devais acheter les tickets de cantine. Pas grave. Concentre-toi. C’est l’heure des devoirs. 18h. Hop, en cuisine. Douche, repas, histoire du soir. Je couche le petit. Je range enfin. 21h30… Déjà ?!

Quelque chose me dit que je passe une grande partie de ma vie à l’orange. Oui, l’orange. Imaginons qu’il y ait trois vitesses, telles que nous les connaissons sur nos routes. Dans le vert, nous adoptons une allure désinvolte, une justesse délicieuse entre ce que nous avons à faire et le temps dont nous disposons. C’est doux, succulent. Rare. Dans le rouge, nous nous arrêtons. En râlant, en trépignant. Qui ose se mettre entre nous et ce que nous avons à faire ? Obsédés par le chemin qu’il nous reste à parcourir, nous explosons. Intérieurement, je veux dire. Ou alors nous avançons tout de même, brûlons la couleur à s’en mettre en danger. Dans le orange, nous avons le choix, semble-t-il. Celui de nous arrêter. De profiter de ce temps d’attente pour rêver, penser, divaguer… Ou bien, d’accélérer. À fond. Sans réfléchir. Foncer, tête baissée, passer à l’étape suivante. Une cadence stimulante : Ouaaahhh, tout ce que j’ai réussi à faire aujourd’hui ! Mais qui m’insupporte parfois : Pfff, jamais le temps de rien... Et si le choix c’était autre chose ? Si j’essayais d’explorer le vert et son allure ajustée ? Ou encore le bleu, le rose, le violet, le multicolore ? Avancer, oui, mais différemment. Confortablement. Durablement. Choisir, de ralentir… Et si on essayait ? Le temps d’une chronique. Et plus, si affinité.

Commentaires

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quelle belle description de la journée-type d'une maman ! Le pire est que le conditionnement continue, même à la retraite, avec l'énergie qui diminue et les quelques handicaps liés à l'âge on continue à courir, ou se sentir coupables les jours où ... bonne continuation, gardez votre humour et votre bonne humeur !

Merci Marie-Paule pour se retour! L'énergie qui diminue peut-être une formidable occasion de redéfinir nos priorités, ces espaces de nos vies dans lesquels nous décidons de donner cette énergie-là, justement, si précieuse... Bonne continuation à vous! Nelly

Merci pour cette proposition, oui prendre le temps de vivre tout simplement. Nous sommes pris en orage dès que nous travaillons en dehors chez nous! Ce temps à devoir aller au rendez vous du travail chaque matin est affligeant, à l heure du tout connecté . Les solutions sont pourtant simples pour ralentir: aller à l essentiel , ne plus s obliger à accepter... mais comment faire passer le message ?

Merci Magalie. Je crois que le message passe d'autant mieux quand il est incarné. Plus nous serons à refuser d'être pris en otage, plus nous montrerons qu'il est possible de vivre dans son temps tout en prenant le temps de vivre et plus le message se diffusera. Du moins, j'y crois!

Oui on se retrouve dans ce commentaire; mais à 64 ans, malgré mes obligations diverses (élue, assoc) je me suis appuyée sur des livres pour ralentir et en particulier sur une vie plus simple, moins d'objets, moins d'exigences et prendre le temps de regarder la nature, c'est elle qui nous aide à ralentir
Et savoir que les années qui nous attendent sont moins nombreuses que celles passées, réfléchir à sa mort, du coup cela remet les idées en place; il y a tant de choses pour lesquelles on s'énerve ou s'inquiète alors qu'elles ne sont pas graves; vivre avec plus de légèreté tout en faisant le nécessaire pour faire avancer les causes importantes comme l'environnement, le bien-être animal...

J'ai dépassé la soixantaine à toute allure et voilà que parfois je ralentis malgré moi ! Si je compare, je mets quelques minutes de plus qu'il y a cinq ans pour aller au marché, je m'essouffle un peu plus sur la montée pour aller à la gare. Si je compare... Mais pourquoi comparer ? Pour mieux courir après le temps ? Je refuse. J'accepte, je choisis, je savoure, je prends mon temps. Celui-là même qui me fait lire la lettre des Colibris et vous envoyer quelques mots !

Parfois les événements de la vie, ou tout simplement le temps qui passe, nous obligent à ralentir. Lorsqu'on arrive à l'accepter, nous pouvons alors tout simplement ressentir de la gratitude. Continuez à "savourer, prendre votre temps..." Michèle, c'est précieux!

Merci pour ces lignes et ce partage. Bien sûr que nous sommes avant tout gourmands et c'est bien de croquer la vie, sauf quand c'est elle qui commence à nous mordre. Glisser du quantitatif au qualitatif, voila bien un essentiel qui peut nous aider à sortir du tourbillon. Que nous avons choisi souvent, que nous subissons souvent aussi et qui est insidieux avec les nouvelles technologies qui commencent à prendre la main sur nos vies...
Belle réflexion à partager. J'essaye pour ma part de me soigner en limitant par jour mes "à faire" et en essayant d'être plus dans le présent et le conscient.
Un vrai chemin.

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